- Bonjour José Nyoka, je voudrai avec vous évoquer votre père qui fête ses 67 ans d’âge dont 50 de carrière avec Zaïko, présentez pour nos lecteurs votre père Jossart Nyoka Longo ?
Je vais vous faire son état civil ça sera plus simple (rires). Joseph-Roger (José Rogiero) N’yoka Longo M’vula est né le 7 septembre 1953. Fils de M’vula Malembe Daniel et de Saka Mayamba Elisabeth (tous décédés). Deuxième fils d’une fratrie de 2 enfants, sa sœur aînée Albertina Longo (également décédée). Marié puis divorcé, père de 8 enfants : 6 garçons dont je suis l’aîné et 2 filles parmi lesquelles notre sœur aînée à tous Sandra (Mercy) épouse Mbengue. Mes enfants l’appellent affectueusement ”Papi Kiala” (Kiala comme l’appelait ma regrettée grande-mère paternelle). C’est un hommes de valeurs, de principes et de foi, fervent croyant et pratiquant de confession catholique, il se destinait à être prêtre comme beaucoup de ses amis très proches. Connu sous le nom de Jossart N’yoka Longo, Il est artiste-musicien de profession, leader du mythique groupe Zaïko Langa-Langa fondé en 1969, orchestre qui a totalisé en décembre 2019 ses 50 ans d’existence et de présence sur la scène musicale mondiale. Voilà une présentation complète (rires) !
- Comment se comporte-t-il en tant que père de famille ?
En famille, il n’y a rien dans son comportement qui laisse transparaître son métier d’artiste-musicien ni de son statut de célébrité mondialement connue, si ce n’est que son emploi du temps se termine généralement très tard les jours de productions musicales ou les voyages pour de longues tournées avec Zaïko Langa-Langa, partout dans le monde.
Avec un peu de poésie, je dis volontiers de lui qu’il est ce père dont les silences sont aussi riches et douces que le temps qui passent, racontant à mère nature ce qu’est l’être humain et ce qu’est être un homme durant sa vie sur terre ». Moins disert (parle peu), mais lorsqu’il parle ses conseils sont très sages et on finit toujours par rire soit avec lui soit lorsqu’on y répond. C’est un père aimant, très protecteur qui se préoccupe de l’avenir de ses enfants et de ses petits-enfants. C’est un père avec qui j’ai fait mes devoirs de classe, qui a assisté à des réunions de parents, qui est venu me chercher à la sortie de l’école ou de l’internat en Belgique. J’ai appris en prenant exemple sur lui, dans le cadre familial, à aimer mon épouse avec qui je partage la vie depuis près de 20 ans, à protéger ma famille et à prendre soin de mes enfants en veillant à leur transmettre une bonne éducation, des principes et des valeurs, à respecter et avoir de la considération pour les autres quels que soient leurs conditions, leur statut social ou leurs moyens financiers. A ne jamais abdiquer, à toujours me battre pour ce à quoi je crois (l’idéal pour la vie). Bref, ne jamais abandonner face à l’adversité. En un mot, il est ce qu’on appelle communément un bon père de famille.
- En lui, il y a deux personnages. Lequel tu préfères ? Le père de famille ou l’artiste ?
Sans aucune hésitation c’est l’homme que j’affectionne particulièrement, et le père de famille comme l’artiste-musicien sont indissociables de cet homme qui est un modèle de résilience, de persévérance, de courage et d’abnégation pour le jeune adulte que je suis. Je prends de lui tout ce qui est positif en rejetant volontiers l’autre face. Lorsque petit enfant, tu vois cet artiste reconnu arrêter la voiture, où nous sommes en famille, pour répondre positivement aux salutations insistantes de quelques badauds dans les rues de Kinshasa, ça vous en dit long sur quel type d’artiste est votre père. Et en grandissant on s’applique à découvrir l’homme qui vit derrière l’image du père dans le cadre familial, et de l’artiste musicien dans son milieu professionnel. Mais, je vous le concède tout aussi volontiers que ce n’est pas un saint, c’est un homme avec ses vices et ses qualités.
- Après le décès de Papa Wemba, nous avions découvert qu’il avait beaucoup d’enfants, vous les enfants N’yoka vous vous connaissez ?
Personnellement, je n’ai eu que très peu d’occasions de rencontrer Papa (que j’appelais ainsi comme on appelle un père et non pas par rapport à son nom de scène Papa Wemba). A ces rares occasions, il m’avait toujours témoigné beaucoup d’amour et de considération. D’ailleurs, tout jeune j’ai eu à fréquenter en Belgique la même école que l’une de ses filles. Nous étions les deux seuls enfants d’artistes-musiciens à étudier dans la même école que les fils et les filles de chefs d’États, comme les Mobutu, ou de grands capitaines d’industries belges. J’avais de l’affection pour l’homme en plus d’aimer l’artiste et son œuvre. Vous savez, mon père, Jossart N’yoka Longo M’vula s’est retrouvé très jeune orphelin de père et de mère, il est le seul survivant d’une famille de 2 personnes (sa sœur aîné egalement rappelée au Créateur très tôt). Zaïko Langa-Langa a été pour lui sa famille de substitution, et il a toujours considéré ses anciens collègues comme des frères à part entière. C’était le cas pour Papa Jules (Papa Wemba), Papa Bimi, avec qui j’ai partagé un repas à sa résidence au Mont-Ngafula, quelques mois avant sa disparition, Papa Matima avec qui j’ai vécu quelques semaines dans une même maison en Belgique et qui adorait l’une de mes recettes de pâtes à la bolonaise (rires). Mais c’est aussi le cas pour Paï Pedro (Pepe Felly) dont l’un des fils est le filleul de baptême de ma mère (Maman Maguy de la famille Moleka) etc. Tous sont comme des frères (ou des fils pour le cas notamment de Nono Atalaku) pour mon père. Il est tout à fait naturel que lorsque ton père perd l’un de ses frères que nous les enfants soyons bouleversés. Car, au-delà de cette énième disparition nous savons au sein de la famille les peines et les douloureux souvenirs de la perte d’un membre de sa famille qui remontent à la surface. Puissent leur âme, à tous, reposer dans la quiétude divine.
- Et si on vous demandait de prendre la gestion de Zaïko ?
Zaïko Langa-Langa est une véritable institution dans la musique congolaise moderne et je le conçois tout aussi bien comme un patrimoine culturel à l’échelle nationale et continentale, voire au-delà. Me proposer d’en prendre la gestion serait pour moi un grand honneur pour deux raisons : premièrement, j’ai vu et vécu tant les sacrifices et les souffrances, jusque dans sa chair que mon père qui en est le leader aujourd’hui a dû surmonter durant plus de 50 ans pour ce groupe. La seconde, est pas des moindres, étant que ce même Jossart N’Yoka Longo, mon père, m’a toujours appris à considérer (je l’ai souligné plus haut) ses collègues, les plus anciens de Zaïko comme mes pères, plus jeunes tels mes frères. Tous ont contribué à la notoriété de ce mythique et légendaire Zaïko Langa-Langa. Ce serait donc pour moi presque un devoir de leur rendre hommage et de leur témoigner ma reconnaissance en tant que N’Yoka. Cependant, je ne suis pas musicien. Certes, j’ai une profonde sensibilité artistique, mais je viens avant tout du monde de l’entreprise, du monde des affaires. Prendre la gestion du Groupe Zaïko Langa-Langa signifierait pour moi définir un ambitieux projet artistique et d’entreprise autour duquel je pourrai fédérer toutes les bonnes énergies pour afin de pérenniser ce nom en tant que patrimoine culturel et de le développer comme une véritable entreprise dans les industries culturelles et créatives pas seulement en République démocratique du Congo, mais également en Afrique et bien plus… Sans oublier bien évidemment, me donner les moyens de mes ambitions. Si j’en ressens le soutien, je n’attendrai pas que l’on me le propose, car ce n’est pas le genre de la maison (rires). Je mettrai volontiers à contribution mes compétences et l’expérience acquise dans de grandes entreprises occidentales, notamment dans la gestion et le management, et prendrai sans hésiter des initiatives qui vont dans le sens de la vision que j’ai pour cette grande institution musicale.
- On vous a vu aux côtés de votre père dans les médias français et avec des autorités européennes après le concert de Beaux-arts à Bruxelles. Vous êtes donc déjà actif aux côtés de Zaïko ou exclusivement de N’yoka Longo.
Il faut le souligner effectivement. La sortie de l’album ”Sève“, son voyage en Belgique mais également la préparation du concert aux Palais des Beaux-arts à Bruxelles se déroulaient dans une période particulière qui nous imposait à nous, ses enfants (Ma sœur Mercy et moi-même) d’être aux côtés de notre père. Tout ut d’abord Monsieur Mondzo Chirac, qui est aussi un papa pour moi, qui a la coproduction avec Prozal (Production Zaiko Langa-Langa) m’a fait confiance en insistant que je m’implique, un tant soit peu, dans la promotion de cet excellent album qui venait de sortir quelques semaines avant le concert. Ensuite papa avait une affaire pendante auprès de la justice belge que ma sœur et moi avions pu décanter quelques mois auparavant. Et à cela il faut ajouter les menaces proférées contre sa personne – et non pas le groupe – par des activistes congolais. Il était nécessaire que sa famille soit à ses côtés. Depuis, effectivement, nous continuons à l’accompagner non pas dans Zaïko Langa-Langa, mais en parallèle avec la société d’édition Prozal dont la succursale est installée à Paris, et à travers la Fondation JNL (Jossart N’yoka Longo) que nous avons installée en Europe et à Kinshasa, pour lesquels j’espère revenir une prochaine fois pour vous en parler. A cet effet, je compte personnellement prendre part à l’organisation des festivités des 50 ans du groupe Zaïko Langa-Langa et autant de carrière de Jossart N’yoka Longo dont malheureusement la pandémie du Covid-19 a perturbé les programmes.
- Un conseil à votre père ?
Je suis Bantou et Ne-Kongo, chez nous le conseil qu’on peut donner à un parent on ne le fait jamais en public. Mais dans l’hypothèse où il lira cette interview, qu’il se souvienne de tout ce que je lui répète avec force et insistance (rires). Et je vous remercie pour cet honneur que vous me faites à travers cet exercice de questions-reponses…
Propos recueillis par
EIKB65