Un des fleurons de l’enseignement primaire et secondaire du Congo (pré et post-indépendance) aux appellations successives : Athénée royal, Athénée de Kalina, Institut de la Gombe, puis Athénée de la Gombe. Cet établissement scolaire se dresse en face du Palais de la justice (attenant à la Place dite de l’indépendance). Situé sur l’Avenue des ambassadeurs, construit en 1946, il a toute une histoire ! A son 20e anniversaire (1966), je fais mes premiers pas scolaires où je débute à la maternelle (école gardienne). Une grande fête y est organisée à l’occasion ! Aux enfants belges (très nombreux) se mêlent une bonne quantité de jeunes Congolais (catégorie des « évolués ») dont les parents les ont inscrits là…
Le monopole des missions catholiques dans le domaine de l’enseignement au Congo commence à être contesté par le milieu politique libéral en Belgique.
L’Athénée royal de Kalina (appellation de la communauté francophone de Belgique) est un des premiers établissements scolaires du réseau officiel à être bâti. La commande de ce complexe important, ainsi que celle des Athénées de Lubumbashi et de Bukavu, sera confiée à l’architecte René Schoentjes.
Il est composé de bâtiments scolaires, d’un pavillon réservé à l’école maternelle, et d’une infrastructure sportive avec piscine et terrain de foot, basket, volley et courts de tennis. L’ensemble architectural est construit sur un plan symétrique mêlant harmonie et grandeur épurées, presque austère. Les façades sont lisses, articulées par des colonnades selon l’ordre monumental officiel de l’époque. Très rapidement, une osmose s’installe entre deux communautés : les Noirs et les Blancs vivent quasiment en harmonie partageant les mêmes salles de classe et le préau pour les récréations. De nombreux instituteurs expatriés (hommes et femmes) y étaient affectés.
Plusieurs personnalités belges y ont étudié notamment l’ancien président du Conseil européen et ex-Premier ministre belge, Herman Van Rompuy, qui en a gardé de très bons souvenirs.
Des fortunes diverses
L’Athénée de Kalina a pourtant connu ses heures de gloire et fait le bonheur de beaucoup de jeunes Congolais qui y ont bénéficié d’une formation très solide grâce à la bonne organisation mise en place par René Marcotte.
Sa particularité : les bus scolaires commis au ramassage des élèves et assuré par l’entreprise Transport en commun de Léopoldville (TCL) qui s’est muée en OTCZ (Office de transport en commun du Zaïre) moyennant un abonnement trimestriel. L’école a connu de fortunes diverses. De la maternelle en terminale, j’y est passé quasiment 13 ans sans la quitter d’un iota. J’ai donc grandi là, témoin de nombreuses mutations que cet établissement scolaire a subies. J’en connaissais les coins et les recoins. De Bandal où j’habitais, j’étais à l’école avant chaque sonnerie du debut des cours. Souvent, les matins de pluies, j’arrivais à bord de la VW Coccinelle de Papa. Naturellement, unis par le sort, j’ai fait la connaissance d’une multitude d’autres élèves venant de divers coins de Kinshasa.
Le départ progressif des Blancs à la faveur de l’avènement, vers les années 70, de l’École belge a occasionné un fait majeur : la maintenance et l’entretien n’étant pas vraiment pas notre fort, voilà où débute la descente aux enfers et comme si les démons nous y accompagnaient… L’école entra dans un tunnel, comme un trou noir !
Avec des bâtiments devenus progressivement vétustes, des salles de classes à l’aspect hideux, des vitres brisées çà et là, l’établissement qui a tant fait parler de lui à Kinshasa et bien loin commençait à présenter la physionomie d’un site abandonné comme touché par une déflagration. Il avait grand besoin d’une cure de jouvence pour retrouver sa seconde jeunesse et scintiller comme au bon vieux temps.
Saucissonnage programmé !
Pour certains, l’Athénée de la Gombe était trop grand pour le maintenir en l’état. Un homme commença à faire des yeux doux sur le complexe sportif situé sur l’avenue Batetela face de l’ex-Grand hôtel. Shark club y sera érigé, propriété de Zoé Kabila, pendant que commence le morcellement de sa devanture (à un jet de pierre des Affaires étrangères) : une école turque s’est adossée. Une autre partie sera, par la suite, attribuée à l’ambassade de Chine pour la construction d’un Centre de formation en informatique. La goutte d’eau qui a débordé le vase : cela provoqua un tollé général de la part des élèves soutenus par leurs parents. Et même nous de loin !
Vu tout le mal qu’on lui a causé, dans l’entre-temps, les anciens dirigeants du pays décident enfin, en 2014, d’entreprendre sa réhabilitation (du moins ce qui en reste). Le lifting opéré a eu le mérite de le remettre au goût du jour. Au grand bonheur de ceux qui y apprennent, bien au-delà, cela a fait malgré tout un grand bien à nous aussi, ses anciens élèves. En reconnaissance des bienfaits reçus de cet alma mater (mère nourricière) qui nous a fait acquérir les fondamentaux pour le futur, quelques-uns dont je fais partie se sont mis ensemble en forme de mutuelle pour se retrouver et espérer lui apporter, un tant soit peu, le soutien indéfectible qu’il mérite. Il y a quelque temps, à la faveur d’un tour effectué, une somme de souvenirs m’est remontée à la surface de la mémoire aussi rapidement qu’un battement de paupières. Émouvant…
Bona MASANU