La crise politique qui couve en République démocratique du Congo (RDC) s’est transformée jeudi en manifestations violentes, avec au moins trois morts – deux manifestants et un policier – lors des marches interdites et réprimées contre le choix du nouveau président de la Commission électorale.
Les deux manifestants ont été tués dans les deux principales villes Kinshasa et Lubumbashi, selon le bureau des droits de l’homme des Nations unies au Congo, qui s’inquiète «de l’usage de la force létale par les forces de l’ordre».
A Lumbumbashi (sud-est), la victime, un jeune homme de 32 ans, a été tué par la police militaire, ajoute cette même source sur Twitter qui «déplore la participation des soldats de l’armée congolaise aux tâches de maintien de l’ordre».
Le service onusien «condamne également la mort d’un agent de police» à Kinshasa. Il «a été lynché après avoir tiré sur les manifestants», avait indiqué cette source à l’AFP.
A l’origine de la marche, le secrétaire général de l’Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS), Augustin Kabuya, a parlé de trois morts parmi les manifestants à Kinshasa.
Il s’est prononcé pour la démission du ministre de l’Intérieur, Gilbert Kankonde, qui avait interdit tout rassemblement sous prétexte d’état d’urgence sanitaire face au Covid-19.
Rien d’extraordinaire, sauf que le ministre en question est également membre de l’UDPS, le parti du président de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, rentré dans la journée d’une visite à titre privé en Belgique.
M. Tshisekedi gouverne en coalition avec les forces de son prédécesseur, Joseph Kabila Kabange, majoritaires au parlement.
Pour leur part, les «combattants» de la base de l’UDPS s’opposent au choix du nouveau président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni).
L’opposition, les catholiques et les mouvements citoyens s’opposent également au choix d’un cadre de l’équipe sortante de la Céni, Ronsard-Ernest Malonda Ngimbi.
Tous accusent M. Malonda d’avoir organisé la fraude aux élections de décembre 2018 – une fraude qui a notamment profité à M. Tshisekedi, d’après l’opposition.
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Le dernier mot doit revenir au président Tshisekedi, qui doit valider ce choix entériné par l’Assemblée nationale.
D’autres marches prévues
Les appels à manifester sont lancés en ordre dispersés. L’UDPS faisait cavalier seul ce jeudi. D’autres marches sont prévues le lundi 13 à l’appel de Lamuka, une coalition d’opposition, et le dimanche 19 (catholiques et mouvements citoyens).
Toutes ces marches sont interdites, a prévenu le ministre de l’Intérieur au nom du gouvernement de coalition mardi soir. L’état d’urgence sanitaire a été prolongé en début de semaine pour 15 jours.
Jeudi à Kinshasa, «des biens publics et privés, y compris les sièges des partis politiques ont été détruits et incendiés», a déploré la division onusienne des droits de l’homme.
Un siège du PPRD (le parti de l’ex-président Kabila) a été attaqué par des militants UDPS du président Tshisekedi, a rapporté la presse congolaise, qui fait aussi état d’affrontements entre militants des deux camps dans plusieurs villes.
A Kinshasa, des milliers de manifestants avaient été dispersés après avoir pu marcher un peu plus de trois kilomètres, a constaté l’AFP.
D’importants effectifs de police protégeaient les alentours du siège du Parlement, où ils ont tiré des gaz lacrymogènes contre une deuxième vague de manifestants parvenus jusque là. A Lubumbashi, plusieurs centaines de manifestants sont partis de diverses communes de la ville, pour converger vers le centre des affaires.
Des policiers et des militaires les ont dispersés en tirant des balles en l’air et des gaz lacrymogène.
D’autres marches et d’autres incidents ont été signalés dans les villes de Kisangani (nord-est), Beni et Goma (est) et Kananga (centre) notamment.
Par Belga Le 10/07/2020