De manière indéniable cette une histoire des mœurs l’ayant conduit entre les quatre murs de la prison a contribué à éteindre à petit feu son nom. Une malheureuse parenthèse qui a fait passer Evoloko Atshuamo Lay Lay de la lumière à l’ombre. A l’image d’un oiseau qui a pris du plomb dans l’aile éprouvant toutes les peines du monde à prendre son envol. Ce joker (la carte qui gagnait presque à tous les coups) est quasiment entré dans le placard. Le nom de son groupe Langa Langa Stars en lien direct avec sa personne a également sombré avec lui. Son séjour prolongé en Europe considéré peu ou prou comme « le cimetière » pour nos artistes n’a fait que l’enfoncer dans les oubliettes de l’histoire. Lui que beaucoup ont applaudi sur scène lorsque son étoile brillait encore de mille feux auparavant dans Zaïko Langa Langa dont il était le fer de lance avant de faire défection avec une bande d’autres musiciens dont Papa Wemba en 1975. « Les sept patrons » n’étaient qu’un groupe hétéroclite d’artistes qui est allé créer l’illusion, à travers un ensemble musical (Langa Langa Stars) ayant tôt fait de les ramener sur terre. Car un à un, ils ont finalement abandonné Lay Lay seul, à cause de son ego hypertrophié que les autres considéraient comme une entrave à leur développement personnel respectif. Antoine Evoloko Bitumba Bolay Ngoy (alias Anto Nickel, Lay Lay, Atshuamo, Tonton Bokulaka, Nkumu) a eu plusieurs surnoms avant de se faire appeler Joker « la carte qui gagne », avait toujours eu un caractère atypique. Ses débuts dans Zaïko aux côtés de Jules Wembadio, Joseph Nyoka Longo, Gina Efonge, André Bimi Ombale, Bozi Boziana, Pépé Fely Manuaku, furent promoteurs marquant profondément l’œuvre artistique du chanteur. En 1970, alors qu’il a seulement 16 ans. Il fait fureur jusqu’en 1980, faisant figure de superstar dans les trois groupes (Zaïko d’abord qu’il quitte 5 ans après, avant de monter Isifi Lokole, puis Langa Langa Stars). Dès cette époque-là, il étonne par son talent naturel et captive l’attention du public par ses jeux de jambes. Pour beaucoup de jeunes, Evoloko est leur idole, son look électrise le public et il se révèle tel le leader de tous. Ses œuvres ont pour noms : Francine Keller, Charlotte adieu na Athénée, Onassis, Arthur Bakumba, Eluzam, Mbeya-Mbeya sont parmi les meilleures du répertoire. Des classiques en somme atteignant le hit du succès commercialisés par les éditions Parions/Mondenge dont le propriétaire, pour le récompenser, lui offre une voiture VW Passat. Il n’a que 20 ans. La naïveté et l’arrogance bien présentes chez Evoloko deviennent encore plus exacerbées.
Cela lui monte à la tête, il prend les allures d’un vrai commandant ayant revêtu plus de galons que ses autres compères qui finissent par le trouver très encombrant. Les absences et les retards aux concerts finissent par baisser son estime par les autres. L’indiscipline l’éloigne de cet univers ayant contribué à asseoir sa réputation. Apparemment, il sentait le besoin de plus de liberté et d’autonomie, son entourage l’ayant poussé faire défection…
Comportement atypique
Le voilà qui entraîne certains de ses pairs à aller voir ailleurs. Zaïko résiste à cette première rebellion. Dans Isifi Lokole, le groupe naissant cherche à narguer Zaïko devenant par après Isifi Melodia : là, il signe Adolofina, Amundalasini, Toto Litina et bien d’autres. Il n’arrive pas à vraiment décoller. Sentant le succès lui tourner le dos à petit feu, il sollicite sa réintégration dans Zaïko et ses anciens compagnons, à leur corps défendant, accepte le retour de l’enfant prodigue. Ce chef de renégats explose de nouveau avec Mbeya-Mbeya relooké baptisé « Pétrole » qui assure derechef le succès de Zaïko quelque peu essoufflé par la rude opposition avec Viva la Musica de Papa Wemba. Bon gré mal gré, le déserteur y apporte son talent et retrouve le succès là où il lavait laissé, mais son caractère impétueux et irascible est toujours présent. Cette constante boulimie de domination et cette envie de se montrer, comme un mot plus haut qu’un autre, Evoloko n’a pas fini de surprendre. Lui rêvait encore de refaire du chemin avec Langa Langa Stars, s’en ira pour ne plus revenir sur ses pas.
Il s’enferma chez lui, comme à double tour sur N°6 de la rue Wafania, Yolo-Nord, son fief. Avant de recruter les Mazeya, Coco Anana, Mosin Malanda, Petit Cachet et autres. Partis pour conquérir l’Afrique, avec une certaine réussite avant de sombrer totalement. Ensuite il empruntera le chemin de l’exil. L’Europe ne lui a pas vraiment souri : de petites productions sans envergure, puis, presque plus rien. Il est revenu en tapinois (sur la pointe des pieds) et ne fait plus recette. Plus grand-monde ne le voit tel un ange mystérieux. Désespérément, Atshuamo tente une remontada qui ne prend pas. De guerre lasse, visiblement il ne semble plus trop y croire lui-même. Il s’isole chez lui comme un maquisard qui s’est mis au vert sans espoir de rebondir. Quelques sorties sporadiques personnelles ! Sans plus, l’étoile a vraiment pâli. Énigmatique, Evoloko ayant perdu son entrain s’est avéré tel un personnage au comportement atypique qui n’a fait que le desservir…
Bona MASANU