Nombreux sont ceux qui passent sur l’avenue Wagenia venant du rond-point Forescom pour se diriger vers le beach Ngobila sans le savoir. Tout à gauche se dresse l’immeuble qui appartenait à un expatrié qui avait une structure dénommée Alimentation du Bas Congo d’où l’appellation ABC
construit sur le site de l’Onatra ayant abrité en face du ministère du Portefeuille, l’hôtel ABC devenu par la suite Palace. Avec particularité : vue imprenable sur le fleuve Congo et à perte de vue Brazzaville. Un coup d’oeil sur mes archives et en voici le condensé…
Kinshasa était un village sur la rive sud du Congo lorsque Stanley y passa en 1877. Il revint en 1881 et fonda Léopoldville sur les rives contemporaines de Kintambo et Ngaliema. Un poste fut ouvert en amont à Kinshasa en 1883. En 1923, Léopoldville fut nommée capitale, comprenant à la fois Kinshasa et Léopoldville, établie à Kalina (aujourd’hui Gombe), tandis que le «vieux» Léopoldville restait la capitale de la province. L’agglomération Léopoldville-Kinshasa a été rebaptisée Kinshasa en 1966.
En 1914, l’Hôtel ABC, le tout premier complexe hôtelier ouvre ses portes
Même avant que Kinshasa ne devienne la capitale du Congo dans les années 1920, les voyageurs qui montaient ou descendaient le fleuve en bateau à vapeur ou en train avaient besoin d’un endroit pour rester. À Léopoldville, il était d’usage pour les passagers des premiers jours de monter à bord de leur paquebot à l’arrivée par chemin de fer, même s’il ne partait pas avant plusieurs jours. Comme Marcus Dorman l’observait lors de sa tournée dans l’État indépendant du Congo en 1905, «En effet, c’est très nécessaire, car il n’y a pas d’hôtels dans la ville, et pas d’hébergement pour les visiteurs sauf quelques chambres dans les maisons commerciales…» Une autre option était de loge avec les missionnaires britanniques et américains. Le Dr Aaron Sims de l’American Baptist Missionary Union à Léopoldville était fréquemment appelé à accueillir des visiteurs, qui lui demandaient également un traitement médical.
Hôtel ABC
Par conséquent, c’est une nouvelle majeure en 1910 que CCCI (la société holding qui a construit le chemin de fer Matadi-Léopoldville) a formé la Compagnie Commerciale et Agricole d’Alimentation du Bas-Congo (ABC) pour acquérir des terrains près de Boma et à Kinshasa pour une série d’hôtels. L’année suivante, l’entreprise a annoncé l’ouverture du Grand Hôtel et Factorerie à Kinshasa. La structure préfabriquée de 4 étages en fonte influencée par l’Art nouveau a été achevée en 1914. Commandant un endroit bien en vue sur une falaise au-dessus de la rivière, ce «gratte-ciel» avec son toit en étain scintillant aurait été la première observation de Kinshasa pour les passagers descendant le fleuve.
Dans les années 1920, l’hôtel a annoncé son intention de doubler sa capacité à 120 chambres. Le Grand Hotel ABC était le centre social de Kinshasa. Une ligne de bus reliant la gare à l’hôtel a été lancée en 1928. L’avenue qui levtraverse s’étend au nord du boulevard du bâtiment Sozacom, est un vestige de l’importance de l’hôtel ABC qui a ouvert une nouvelle aile en décembre 1931, mais la dépression a contraint la direction à tirer 4 millions de francs des réserves pour couvrir les frais d’exploitation et, en 1932, l’arrêt complet des opérations. En 1937, la Compagnie ABC fut dissoute et un investisseur privé, Joseph Damseaux (le fondateur d’Orgaman), acquit un intérêt dans la propriété, ainsi que dans l’hôtel Stanley en bas de la rue.
La Seconde Guerre mondiale a été l’apogée de l’ABC. Lorsque la mission gaulliste française libre arriva par hydravion britannique le 19 août 1940 dans le but de persuader le régime de Vichy de l’autre côté du fleuve à Brazzaville de rejoindre les Alliés, la délégation du général de Larminat fut logée à l’ABC (voir Hôtel du Pool au dessous de). Le mois suivant, une mission britannique dirigée par R.Wingate séjourne à l’hôtel. L’association des ingénieurs, le groupe Balle Pelotte, l’Aero Club se réunissaient tous régulièrement à l’hôtel. Lorsque la Pan American Airways a commencé les vols des hydravions Clipper en décembre 1941, les équipages ont été logés à l’hôtel. Après l’armée américaine 23 e Hôpital arrivé en décembre 1942, les infirmières américaines y restent jusqu’à la construction de casernes à la Clinique Reine Elisabeth.
Joseph Damseaux dirigeait également une ferme sur la rivière Gombe près de Petit Pont. En 1945, la ferme se portait si bien qu’il a décidé de quitter l’hôtellerie et de se concentrer sur la ferme. Nul doute que les projets d’agrandissement du port le long de la rivière en contrebas de l’hôtel ont influencé cette décision. Un gala en avril 1946 auquel assistait le gouverneur général a fourni un envoi approprié aux consuls Parminter et Ledger d’Afrique du Sud et du Royaume-Uni respectivement, qui avaient servi pendant les années de guerre. L’hôtel était également le lieu privilégié de la réception du Prince Régent en juillet 1947.
Le Palace Hotel
Otraco a exproprié le lot ABC en 1946, dans le cadre d’un projet de raccordement du port public au port amont Citas. L’aile de deux étages qui descendait la falaise jusqu’à la rivière a été démolie et l’hôtel est devenu le «Palais» sous la direction de DeSmet et Trenteseaux (qui ont construit les bâtiments Forescom et Royal). Les niveaux inférieurs de la structure ont été enfermés dans du stuc pour lui donner une nouvelle image. En 1948, la Commission canadienne du commerce, précurseur du consulat et de l’ambassade, avait un bureau dans l’hôtel. Le concours «Miss Léopoldville» a eu lieu à l’hôtel en janvier 1956.
Le Palace Hotel rénové
En 1960, des destinations plus modernes, notamment Memling, Stanley et Regina, sur le boulevard, sont devenues le principal lieu de villégiature pour les touristes, et l’installation a commencé à décliner. En 1983, l’hôtel a été cédé à l’Onatra et il est devenu une résidence pour le personnel de l’entreprise, la plupart dans des conditions proches de squat. Cette situation s’est maintenue au 21e siècle. (A suivre…)
Tiré des archives par EIKB65