La diatribe ou le pamphlet, mbokela en lingala, est une violente critique dans laquelle le destinataire peut être directement identifiable par les mélomanes ou par allusion. D’autre part, elle renvoie à la raillerie, à la dérision ou à l’autodérision dans laquelle l’auteur se moque de lui-même pour tourner en dérision son adversaire.
Si au départ, elle ne concernait que les rapports amoureux, elle s’est étendue ensuite à une sphère plus large des faits de société comme le règlement de comptes entre deux amis, la gabegie, l’avarice, la prodigalité, le vol, le manque de civilité, l’escroquerie, la prostitution, etc.
Cette pratique dans la musique congolaise date de l’époque des pionniers, Maitre Taureau et D’Oliveira la pratiquaient déjà. Dans la chanson Nzungu te, Maitre Taureau fustige la conduite d’une femme qui s’affiche dans des endroits publics pour attirer la gente masculine mais qui n’a même pas une marmite pour préparer la nourriture. D’Oliveira et Georges Edouard accusent une belle dame de voleuse dans la chanson Elisa mwasi kitoko moyibi.
Les musiciens de la deuxième génération n’étaient pas en reste, Grand Kalle s’y est livré à travers les chansons Nalingi makambo te et Zala ata juste.
Dans Mayele mabe, Masta Zamba fustige la prodigalité de son patron Grand Kallé et paradoxalement c’est le même Kalle qui est au chant dans ladite chanson. « Okakinisi kaka yo moko mobali, oliaka biso mbongo » (Tu penses que tu es le seul homme qui a besoin de sous pour s’en accaparer).
Mais celui qui s’est le plus illustré est Franco à travers des titres comme Ngala ya ba petits mbongo esili, César aboya ye, Bangaka basi ya bato, appartement, Bisemasema, Louise aboyi frigo, Nani apedelaki, Polo, Trouble trouble, Où est le sérieux ?, motindo na yo, Tailleur, Mario, etc.
Les plus anecdotiques sont les chansons Faux millionnaire de Kwamy et Chicotte et Course au pouvoir de Franco où les deux amis se règlent des comptes. Kwamy qualifie Franco de faux millionnaire dont les comptes n’ont pas de provisions et Franco, à son tour, l’accuse d’ingrat et lui demande de venir récupérer ce qu’il lui doit. La dispute est due à la vente des instruments de musique qu’un mécène avait remis à l’orchestre Ok Jazz et que Franco avait vendus sans rien remettre à Kwamy. Quittant l’Ok Jazz pour le camp des adversaires, African Fiesta de Nico et Rochereau, Kwamy sort la chanson Faux millionnaire, s’en prenant violemment à Franco et la réplique ne se fera pas attendre à travers deux chansons Chicotte et Course au pouvoir.
Rochereau s’est également livré à ce genre musical avec les chansons Makila eyina nzoto, Likala ya moto, etc.
D’autres l’ont aussi fait comme Johnny Bokelo : ndeko na nga okebaka, Vicky Longomba : boya Vicky okende poto, Nico : Keba, Mujos : jalousie ya nini na nga, etc.
Pour ainsi dire, la diatribe est un genre prisé par beaucoup de musiciens pour fustiger certains faits de société ou s’attaquer par procuration à d’autres personnes. Puisant plus d’inspiration dans les rapports amoureux comme les déboires, l’infidélité, la jalousie, la séparation, la prostitution, elle s’est étendue sur presque tous les aspects de la vie en société comme le vol, la prodigalité, l’avarice, le mensonge, le colportage, le manque des manières et du respect, les rapports familiaux, le pouvoir, l’héritage, la concurrence déloyale, etc.
Herman Bangi Bayo