Il est indéniablement reconnu à l’échelle universelle que le football est le sport-roi, élément fédérateur de toute la planète terre. Les foules qu’il draine ne constituent que le baromètre pour mesurer le degré de passion que cette discipline suscite.
Le parcours des nôtres n’a pas été un long fleuve tranquille fait des hauts et des bas : des fortunes diverses !
Cela démarre à Sousse en Tunisie où, le 12 novembre 1965, dans le cadre de la phase finale de la 5e Coupe d’Afrique des Nations, alors qu’elle s’appelait encore les Lions, la sélection congolaise subit face aux Ghanéens une très cuisante défaite de 5 buts contre deux.
Ce n’était pas tout. Le 30 juin 1966, au stade Tata Raphaël de Kinshasa, les Simbas courbèrent de nouveau l’échine face aux coups de massue des joueurs ghanéens comme Osei Koffi, Sunday, Mfum et autres qui les battirent par 3 à 0.
En effet, alors que les Léopards étaient résolument décidés à prendre leur revanche par rapport à la très lourde défaite de Sousse en Tunisie, c’était plutôt à un deuxième déboire qu’ils eurent à faire face en se faisant battre par trois buts à zéro par les coéquipiers d’Ossei Koffi en présence du président Mobutu. Blessé dans son amour propre de patriote, le tout nouveau chef de l’État se décida de redynamiser l’équipe nationale en commençant par un changement d’appellation qui fit que les Lions deviennent Léopards.
Mobutu, tenant à son prestige, a tenu à bâtir une tout autre réputation au football national après la très humiliante défaite des Zaïrois par 3 buts à 0 face aux Blacks Stars du Ghana à Kinshasa.
Dans la foulée de cette réforme du football, le président Mobutu décida de rappeler au pays tous les professionnels congolais évoluant en Belgique, en l’occurrence les Muana Kasongo, Freddy Mulongo, Muwawa, Nicodème Kabamba et autres Kialunda. Mais curieusement, ce sont surtout des joueurs locaux comme Pierre Kalala alias Bombardier, Joseph Kibonge (Gento), Saïo Mokili, Mungamuni (Asmara) qui furent à la base d’une très retentissante revanche des Congolais face aux Ghanéens lors de la phase finale de la 6e phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations organisée en Ethiopie, 1968.
En revenant sur la saga des Léopard du Congo-Zaïre, il est à relever ici que, en terre éthiopienne, les choses n’avaient pas très bien débuté pour les Congolais qui, une fois de plus, commencèrent par essuyer une défaite ghanéenne de 2 buts à 1 en se consolant, tout de même, de deux victoires respectives sur le Congo-Brazza par 3 buts à 0 et le Sénégal par 2 buts à 1. N’ayant pas encore dit leur dernier mot, les fauves du Congo-Zaïre entreprirent de se défaire du pays organisateur, l’Ethiopie, en le battant à Asmara par 3 buts à 2 avec un doublé de Mungamuni depuis lors surnommé « l’homme d’Asmara » ; avant de prendre finalement leur revanche sur les Black Stars du Ghana qui s’inclinèrent par 1 but à 0 suite à un très brillant exploit de Pierre Kalaka Mukendi alias Bombardier (réussi à 66e minute de la partie).
En peu de mots, en plus du fait qu’ils n’ont jamais perdu un seul match au pays, les Léopards du Zaïre étaient une véritable terreur de toutes les équipes nationales africaines, sans aucune exception. C’était les Soudanais qui constituèrent la toute première proie que les très redoutables fauves zaïrois broyèrent en une seule bouchée au Cameroun, le 25 février 1972. Ensuite, ce fut la phase finale de la Coupe d’Afrique des Nations qui se déroula en Egypte, en 1974, qui leur offrit l’opportunité d’étaler à la face du monde toute l’étendue de leur supériorité continentale.
Mobutu, manager des Léopards
S’étant imposé face au pays organisateur, l’Egypte, par 3 buts à 2, suite à un doublé de Ndaye Mulamba et un but égalisateur du Capitaine Kidumu, alors que les Egyptiens avaient commencé par mener par 2 buts à 0, les enfants chéris de Mobutu se devaient de croiser les fers avec la Zambie voisine qui mijotait une revanche après l’hécatombe de 10 buts à 1 qu’ils avaient vécue, dans la capitale zaïroise, quelques années plus tôt.
Ayant tenu très fort, les Zambiens imposèrent finalement aux Zaïrois un nul vierge à la fin du temps réglementaire.
Lors de deux prolongations, grâce à Ndaye Mutumbula, dont le record de nombre de buts marqués en une phase finale de Coupe d’Afrique des Nations tient toujours plus de vingt ans après, qui avait réussi par deux fois à ramener le score à une parité. Lors de la deuxième finale qui se joua deux jours plus tard, les Zairois remportèrent le titre grâce au seul but de la rencontre marqué par le très phénoménal Ndaye Mutumbula.
Cet exploit des Léopards dans la capitale égyptienne donna au tout grand Zaïre aussi bien son deuxième titre de Champion d’Afrique qu’une qualification à la phase finale de la Coupe du Monde qui devait se jouer la même année en Allemagne et la qualité de la première nation de l’Afrique subsaharienne à y avoir participé. Mais hélas, leur artificielle cinglante défaite face aux Yougoslaves par 9 buts à 0 avait fait que le monde ne retienne des Zaïrois que le très négatif record du nombre de buts encaissés dans cette compétition mondiale alors qu’ils y avaient fait de loin mieux.
En effet, ce que très peu de gens savent jusqu’à ce jour, c’est que les joueurs des Léopards avaient à leur façon boycotter cette rencontre pour manifester leur mécontentement suite au non-paiement de leur prime du match précédent au cours duquel ils avaient fait peiner l’équipe de l’Ecosse qui remporta finalement la partie par 2 buts à 0 avec plusieurs occasions nettes de scorer que Mayanga et Kakoko loupèrent. Bien plus, après avoir ramassé ce score-fleuve face aux Yougoslaves, les Léopards du Zaïre devaient rencontrer une équipe du Brésil qui était tenue de gagner par un écart de trois buts pour pouvoir se qualifier au détriment de l’Ecosse.
Une projection simple pour tous les observateurs était que le Brésil allait passer sans beaucoup de difficulté pour la simple raison que la très percutante Selecao brésilienne devait, par définition, faire mieux que des Yougoslaves.
Contre toute attente, grande sera la surprise aussi bien des spectateurs présents au stade de Gelsenkirchen en Allemagne que des téléspectateurs du monde entier de constater que la mi-temps interviendra sur un nul vierge en dépit de multiples tentatives brésiliennes d’ouvrir le score. C’est ainsi que, doutant à juste titre des capacités de la Selecao brésilienne de violer à trois reprises les cages du gardien Robert Kazadi, des dirigeants brésiliens approchèrent ceux des Léopards pour négocier, dans une optique de la solidarité entre les Noirs, une défaite des Zaïrois par 3 buts à 0 qui leur permettait de se qualifier pour la demi-finale au détriment des Ecossais. Ce qui fit fait pendant la deuxième mi-temps. (Source : témoignage du latéral droit des Léopards Mwepu diffusé dans un documentaire de la FIFA sur la Coupe du monde 74 en Allemagne).
De toutes les façons, ces dirigeants sportifs brésiliens n’avaient pas tort de s’inquiéter d’autant plus qu’ils étaient sans ignorer que le Congo-Zaïre était la seule nation du football africain à avoir battu, au plus fort de sa gloire, le tout grand Pélé et son club de Santos. Par ailleurs, pour la petite histoire, il y a lieu de noter que, ayant reçu mission de surveiller Pélé, le défenseur congolais Freddy Mulongo le fit tellement bien que, bien muselé par son garde du corps, le roi du football ne tournait plus et la perspective d’un match nul commença à poindre à l’horizon. C’est ainsi que, cherchant à se faire oublier un peu par son intraitable gardien, Pélé feignit une blessure et sortit du terrain pour se faire soigner. Ayant compris l’astuce, Freddy Mulongo le suivit et se planta sur la ligne de touche pour l’y attendre calmement.
Pelé et Freddy Mulongo
A son retour à l’aire du jeu, ayant usé d’un très dangereux geste d’anti-jeu, Pélé blessa grièvement le défenseur congolais dont la sortie lui permit de marquer le but brésilien de la victoire de son club. Lors de la conférence de presse tenue à l’issue de la rencontre, visiblement confus de son vilain acte, le roi du football déclarera qu’il devait revenir au Congo pour montrer aux Congolais un visage plus agréable. Cependant, ce qu’il n’avait pas dit : c’est qu’il tenait à refaire le déplacement de Kinshasa pour y solliciter le transfert de Robert Kazadi, le portier des Léopards, au profit de son équipe de Santos.
Et, c’est au cours de son deuxième voyage au Congo que les Léopards du Congo-Zaïre rendront au Roi Pélé la monnaie de sa pièce en le battant par le même score de deux buts à 1 au Stade Tata Raphaël de Kinshasa.
Face au refus du président Mobutu de laisser partir au Brésil le portier de Mazembe et de l’équipe nationale, tenant mordicus à avoir Robert Kazadi dans son équipe de Santos, le roi Pélé entreprit de recourir aux bons offices de l’empereur Hailé Sellasié qui, lui aussi, ne réussit pas à faire changer d’avis un Mobutu pour lequel le football congolais était devenu une affaire personnelle. C’est ici une opportunité de souligner que toutes ces performances des Léopards du Zaïre étaient avant tout un résultat de l’attention personnelle d’un président Mobutu qui était devenu pratiquement le manager des Léopards. C’est dans la même logique que le chef de l’État zaïrois s’opposera également, en 1974, aux transferts pour Saint Etienne de Manu Kakoko alias Dieu de Ballon et d’Adelard Mayanga.
- La première nation de l’Afrique noire à participer à une phase finale de Coupe du monde de football
- La première nation africaine dont le club eut à disputer une finale de Coupe du monde des clubs.
- La première nation africaine à remporter le Championnat d’Afrique des nations
- La deuxième nation africaine, après l’Egypte, en terme de titres continentaux au niveau des clubs et
- Le championnat local de football le plus compétitif en Afrique subsaharienne.
Performances : beau tableau
Une autre flèche dans son carquois : le combat du siècle
Le Zaïre commençait à être vu autrement lorsque Mobutu arracha l’organisation de ce qui était convenu d’appeler le combat du siècle entre Ali et Foreman qu’il fallait déplacer à Kinshasa en 1974 et toute l’armada que cela a entraînée dans la capitale. Les projecteurs étaient braqués sur le pays dont le rayonnement est allé crescendo. Mobutu a réussi le pari et dans la foulée, il réussit à faire venir, dans son pays, les sommités du monde musical autour d’un festival où les James Brown, Johnny Patcheco et bien plus que ça sont arrivés !
Ali est venu terrasser son challenger qui avait la réputation de cogneur dont les combats ne se terminaient que par des KO aux deux, voire trois premiers rounds. Muhammad Ali a amené Foreman jusqu’à la 8e reprise après l’avoir exténué avec des jabs, coups droits et uppercuts, voltigeant tel un papillon et piquant comme une abeille dans un stade du 20 mai totalement acquis à sa cause. Victoire d’Ali, certes mais aussi celle de Mobutu dont l’auréole (degré de gloire) a sacrement pris du relief. Sa grandeur se faisant de plus en plus marquante attirant sur lui également des regards envieux au point où on cherchait du coup à le déstabiliser. La suite on la connait…
Bona MASANU