À l’époque plus lointaine, voyager de la capitale du Congo-Léopoldville pour les provinces du pays, accessibles par le fleuve Congo, en empruntant le bâteau ITB de l’OTRACO, était en soi mémorable à plusieurs égards. Mieux, un souvenir inoubliable auquel je pense de temps à autre en revisitant mes années de l’enfance.
S’il faut imaginer que pour aller passer nos vacances à Coquilathville, nous avions plus de préference pour le bâteau que l’avion pour la bonne raison que le bâteau ITB avait tout pour nous captiver et nous émerveiller! Il l’avait déjà fait en effet. Ce bâteau nous avait émerveillé avec ses barges immenses et ses chambres climatisées qui accueillaient tous les passagers et les mettre à l’aise selon leurs catégories sociales si bien qu’il y avait des chambres pour couples, pour familles entières et d’autres dotés de lits superposés. Contrairement à ce qui se vit à ces jours où l’on voit des passagers, en grand nombre, passer des nuits à la belle étoile.
Des restaurants dignes de ce nom nous offraient des répas dignes des restaurants du centre-ville. Mais les souvenirs restent accaparés par les petits déjeuners consommés avec à la clé, omelettes, beurre, margarine, charcuterie …Tandis qu’à l’époque des bâteaux ITB, des séances de distraction et d’animation étaient organisées nuitamment et avaient leurs maîtres à l’instar des musiciens Wendo Kolosoy et Jeannot Bombenga, qui vont finir par se professionaliser.
À destination, nous étions happés par les membres de familles, venus nous accueillir et nous nous melions ainsi à une énorme foulée bigarée sur fond d’une ambiance de carnaval. L’imposant bâteau, lui, restait au port 3 ou 4 jours. Pendant que son capitaine, qui était notre oncle paternel, s’en allait passer des moments agréables avec toute la famille. Nous pensions qu’il immobilisait cette unité fluviale pendant ces journées pour se consacrer aux siens. C’est plus tard en grandissant que je comprendrais que le bateau restait à quai pour attendre des voyageurs du trajet retour et que des mécaniciens profitaient de ce temps pour des travaux de maintenance.
Ces voyages, point n’est besoin de le rappeler, avaient le port de Léopoldville pour point de départ et d’arriver au retour des vacances. Ce port a été mis en service en 1925 avec 390 mètres de quai avant qu’un ponton de 70 mètres vienne y être ajouté en 1927-1928. La période du plan décennal viendra apporter au port de Léopoldville plusieurs aménagements et une extension considérable, cas de la modernisation du matériel de levage et de manutention. Puis en 1950, la longueur des quais a atteint 660 mètres et la surface des magasins s’est accrue de 10.000 m2 pour passer ensuite jusqu’à 24.000 m2.
Aujourd’hui, ce port fluvial est l’ombre de lui-même tandis que les bâteaux ITB, qui avaient mis la lumière sur notre enfance, ont cessé d’exister. Seul le bâteau Kokolo a été réhabilité dernièrement mais a du mal à se remettre à flots.
Jean Pierre Eale Ikabe