LA PRÉSIDENCE À VIE, UNE RECETTE AFRICAINE
La réélection du Président zimbabwéen, Emerson Mnangagwa, était acquise bien avant même l’opération de vote. Comme très souvent en Afrique, le président sortant s’offre tous les moyens pour se succéder à lui-même.
Avec ses 52,6% des suffrages contre 44% pour son principal rival, Emerson Mnangagwa est, d’ores et déjà, sous la férule de contestations en raison des fraudes ayant émaillé les scrutins fondus dans un pseudo cycle électoral.
Mêmement au Gabon où Ali Bongo (64 ans) est quasi plébiscité avant terme par un processus électoral taillé sur mesure. Au pouvoir depuis quatorze ans, il est en passe de briguer un troisième mandat à la tête de cet Etat pétrolier considéré parmi les plus riches d’Afrique.
Avec une mobilité réduite après son accident vasculaire cérébral en 2018 dont il garde encore des séquelles physiques, Ali Bongo continue de s’accrocher au pouvoir. Et il n’est pas le seul dans un continent désormais livré la merci des présidents autocrates vieillissants.
Qu’est-ce qui justifie cette appropriation du pouvoir politique dans le chef de ces dirigeants dont la plupart traînent plus d’un quart de siècle d’un leadership sans partage? L’une des raisons est la peur qui les habite d’avoir à payer leurs crimes commis avec l’immunité acquise grâce à leurs fonctions. Une manière sournoise de se mettre à l’abri d’éventuelles poursuites judiciaires.
Cette caste des dirigeants autocrates est toujours prompte à revisiter la Constitution pour s’assurer de son maintien au pouvoir. L’on réfute alors les termes de la loi fondamentale, on en modifie certaines dispositions telles que la limite d’âge etc.
Le rwandais Paul Kagame, l’ivoirien Alassane Dramane Ouattara, le guinéen Alpha Condé et le congolais Denis Sassou Nguesso ont tous prolongé les conditions de limite d’âge afin de servir leurs propres intérêts. Moralité : des générations d’africains sont nées, ont vécu et ont même quitté ce bas monde, sans avoir vécu une réelle alternance au sommet de l’État excepté quelques États à compter du bout des doigts.
Il devient quasi impossible aujourd’hui en Afrique de penser à l’organisation des élections crédibles validées par un président en exercice prêt à s’avouer vaincu et à transmettre pacifiquement le pouvoir à son challenger avant de tirer sa révérence en toute élégance.
Qu’à cela ne tienne. La roue tourne et continuera à tourner toujours dans le même sens tant qu’il n’y aura pas d’organisation judiciaire indépendante susceptible d’empêcher les présidents nouvellement élus de truquer les votes ou de modifier les constitutions.
Dossier à suivre.
HC Jean Pierre Eale Ikabe