» Saddam Hussein » emmène la famille à Brazzaville
Le matin du 17 mai 1997, le capitaine Kongulu Mobutu alias Saddam Hussein fait traverser les derniers membres de la famille Mobutu qui trainaient encore à Kinshasa ; parmi eux, on a aperçu maman Francisca, la sœur ainée du Marechal et épouse du général Bolozi, le très puissant chef du service du renseignement et de sécurité de l’armée de Mobutu, l’actuel DEMIAP. Le capitaine Kongulu, ayant traversé le dernier, appelle, de Brazzaville, son père le président Mobutu, qui est arrivé à Gbado-Lite depuis la veille, pour lui demander de leur envoyer l’avion pour évacuer la famille qui est maintenant regroupée à Brazzaville.
Le président Mobutu envoie l’avion présidentiel à Brazzaville
Le Marechal Mobutu instruit le major Ngani, le numéro deux de sa garde rapprochée, de demander à l’équipage de l’avion présidentiel d’aller à Brazzaville récupérer les membres de sa famille qui s’y trouve. Le major Ngani va voir l’équipage et transmet l’instruction du Marechal au commandant Mukandila, chef d’équipage. Ce dernier informe le major Ngani qu’il a juste besoin d’un peu d’argent pour l’achat du carburant à Brazzaville et le payement d’autres frais aéroportuaires. Le major revient vers le Marechal avec la demande du pilote. Le président Mobutu lui dit d’aller en parler à son épouse, mama Bobi Ladawa. La première dame va remettre au major Ngani 13.000$ américains ; ce militaire, à son tour, remet cette somme au commandant Mukandila, moyennant une décharge.
Le commandant Mukandila et son équipage refusent de prendre la famille présidentielle
L’avion décolle de Gbado et atterrit à Brazzaville. Le capitaine Kongulu et les membres de la famille présidentielle arrivent au pied de l’avion pour y embarquer. Et là, c’est la surprise de leurs vies. Le commandant Mukandila et son équipage informe le tout puissant « Saddam Hussein » que son père » le Marechal Mobutu n’est plus président de la République « . Souvenons–nous qu’on est le 17 mai 1997 et que Laurent-Désiré Kabila s’était proclamé président de la République Démocratique du Congo, le 16 mai 1997 à Lubumbashi. Le pilote continue en disant au fils du Maréchal que » cet avion appartient à l’Etat Zaïrois, ce n’est pas un bien privé de votre père. Donc, je ne peux plus vous transporter. Veuillez vous débrouiller autrement « . Le capitaine Kongulu informe son père de l’attitude affichée et des propos tenus par l’équipage. Le président Mobutu appelle alors son ami Eyadema, président du Togo, qui va envoyer un autre avion récupérer la famille sa à Brazzaville et les amener à Lomé.
Le major Ngani en patrouille
Dans la soirée du 17 mai, de Kawele où ils sont, le Marechal et ses hommes attendent des coups de feu. Inquiet, le major Ngani demande au Maréchal la permission de sortir pour une patrouille de reconnaissance. Il prend une jeep équipée d’une mitrailleuse et va jusqu’à Gbado-Lite (située à 13Km de Kawele). Là, il constate que la ville est presque déserte ; personne dans les rues. Il poursuit sa patrouille sur la route qui mène à Mobayi-Mbongo. Il s’arrête à 3Km environ de cette ville. Et là, portées par le vent, il attend distinctement les voix des militaires de la DSP (Division Spéciale Présidentielle, la garde prétorienne du Maréchal) qui avaient été envoyés à Yakoma pour stopper l’avancée des militaires de l’AFDL vers Gbado-Lite et qui reviennent maintenant vers Gbado et ils sont très en colère.
Des militaires de la DSP en colère
En colère contre leur commandant, le général Etienne Nzimbi, qui les avaient envoyé à la mort au front alors que lui-même avait déjà fuit le pays (les nouvelles vont vite). En colère aussi contre le Marechal parce qu’il considère que c’est lui le responsable de la débâcle à cause de son népotisme (le général Nzimbi est son cousin) et tribalisme. Ces militaires sont alors décidés d’aller à Kawele arrêter le Marechal et s’il ne leur paye leurs arriérés de solde et leurs primes, ils vont le tuer.
Avec toutes ces informations en tête, le Major Ngani fait demi-tour pour faire rapport au Maréchal de la menace que constitue maintenant pour lui ces éléments de sa propre garde prétorienne.
Le major Ngani réquisitionne l’avion de Jonas Savimbi
Arrivé au niveau de l’aéroport de Gbado-Lite, qui se situe entre Gbado et Kawele, le major Ngani entend les bruits des moteurs d’un avion. Il se décide d’entrer dans l’aéroport. Et là, il voit un gros porteur Iliouchine qui s’apprête à décoller. Et c’est le dernier avion disponible s’il veut évacuer le Marechal.
Il décide rapidement d’empêcher le décollage de l’avion en arrêtant sa jeep devant l’aéronef. Les pilotes ukrainiens descendent et demandent à Ngani quel est le problème. Le major explique qu’il doit d’urgence évacuer le président Mobutu de Gbado-Lite et il réquisitionne l’avion. Les pilotes rétorquent que leur mission était de venir récupérer les matériels militaires de Jonas Savimbi qu’il avait stocké à Gbado-Lite et non d’ évacuer le président Mobutu. Face à cette résistance de l’équipage, l’un des militaires du major Ngani va charger son arme. La discussion s’arrête net. L’équipage, composé d’anciens militaires soviétiques, a vite compris ce message.
Le major Ngani informe le colonel Motoko
Le major Ngani laisse deux hommes pour surveiller l’avion et l’équipage et reprend la route de Kawele pour faire rapport au Maréchal de la situation.
Le major Ngani informe déjà, par radio, son chef direct le colonel Motoko, le numéro 1 de la garde rapprochée du Maréchal. Il lui parle de la menace des éléments de la DSP qu’il a croisé sur la route de Mobayi-Mbongo, de l’avion qu’il vient de bloquer à l’aéroport. Il suggère à son chef l’évacuation sans délai du Marechal.
Le Maréchal Mobutu souhaite mourir comme un soldat, l’arme à la main.
Après la conversation, le major Ngani rejoint Kawele. Les deux officiers, Motoko et Ngani, font un rapide rapport de la situation au président Mobutu et lui proposent l’évacuation. A leur grande surprise, le Maréchal rejette l’option de fuite. Il leur rappelle qu’il est militaire et qu’il va se battre avant de mourir. Le colonel Motoko lui dit que pour se battre, il faut avoir des armes et des munitions. Et là, présentement ils n’avaient pas grand-chose. Le Marechal lui pose la question en lingala: » Minduki ya Mandefu eza wapi ? » Traduction : » Où sont les armes du Barbu ? «
Mama Bobi Ladawa refuse de quitter Kawele
Le « Barbu », c’est le surnom que le président Mobutu avait donné avait donné à Jonas Savimbi, le chef de la rébellion angolaise. Le colonel lui rappelle que ces armes avaient déjà été vendues à Eyadema, le président togolais. Le Maréchal finit par accepter l’évacuation. Mais c’est justes à ce moment-là que l’épouse du Maréchal, Mama Bobi Ladawa se met à pleurer en disant qu’elle ne partira nulle part. le colonel Motoko va calmement expliquer à la Mama que si elle refuse de monter dans le véhicule, il va lui tirer une balle dans la tête et ensuite, il se tuera lui-même. Devant cette situation tendue, le Dr Biamungu, l’un des médecins traitant du Maréchal, va carrément pousser Mama Bobi Ladawa dans le véhicule. Le colonel Motoko est au volant, Nzanga Mobutu, l’un des fils du Maréchal, est assis à côté du conducteur et le président Mobutu sur le siège arrière. Les autres membres de la famille suivent dans les autres véhicules.
A l’aéroport de Gbado-Lite
A l’aéroport, Nzanga Mobutu, qui parlent couramment anglais, explique la situation à l’équipage ukrainien et leur demande de faire descendre un camion qui était dans l’avion pour faire de la place. En effet, comme c’est un avion cargo, il n’y a pas des sièges pour passagers; ils décident alors de faire voyager le Maréchal Mobutu assis dans sa voiture Mercedes embarquée dans l’avion. Et Mama Bobi Ladawa va se rendre compte à ce moment–là, que l’un des gardes du corps lui a volé son sac à main à la résidence. Avec certainement de l’argent dedans, ses bijoux et surtout les passeports de la famille et leurs visas de séjour pour la France.
Les soldats mutins arrivent à la barrière
Après l’embarquement de toute la famille, on apprend au major Ngani qu’un groupe des mutins de la DSP vient d’arriver à la barrière de l’aéroport. Le major prend sa jeep et s’y rend. Ils trouvent les militaires qui veulent casser la barrière parce qu’ils ont appris que le Maréchal est entrain de fuir à bord d’un avion.
Le major Ngani, officier respecté par les éléments de la DSP, après avoir les avoir calmés, leur explique que le Maréchal, en quittant sa résidence, a pris toutes les dispositions pour que chacun d’eux reçoive ses arriérés de solde et de primes. Pour votre unité, leur dit-il, le Maréchal a remis des cartons d’argent à votre commandant, le colonel Ndoma. Il doit vous remettre cet argent avant de lancer la contre-offensive. Egayés par cette bonne nouvelle (qui était fausse en réalité) les mutins se précipitent de remonter dans leurs véhicules et de filer en direction de Kawele, la résidence du Maréchal. Une fois arrivés sur place, ils vont se rendre compte de la supercherie; ils se mettront alors à piller la belle et luxueuse résidence présidentielle.
Quelques mutins tirent sur l’avion du Maréchal au décollage
Revenons vers le Major Ngani qui, après le départ des mutins, quitte la barrière et se dirige vers l’avion. Un mutin, qui n’a pas cru à son histoire des cartons d’argent qui les attendaient à la résidence du Maréchal, va lui balancer une grenade dégoupillée qui va exploser à quelques mètres de lui. Il sera légèrement blessé au dos par un éclat mais parvient quand même à monter dans l’avion.
Au moment du décollage quelques militaires de la DSP vont tirer sur l’avion transportant le Maréchal.
Et le Maréchal Mobutu pleure dans l’avion
Ce 18 mai 1997 à 5heures du matin, le Maréchal Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Waza Banga quitte définitivement la terre de ses ancêtres. Il n’y reviendra plus jamais.
Le dernier souvenir qu’il gardera de cette journée est qu’il se trouve à bord d’un avion-cargo, assis dans sa voiture; en train de pleurer ! Il pleure parce que ses propres militaires de sa DSP qu’il a tant chouchouté ont voulu le tuer en tirant sur son avion !
Certainement, à cet instant précis, il se souvient de ce verset biblique que ses enseignants, les prêtres catholiques belges du groupe scolaire de Coquilhatville (Mbandaka) lui faisaient réciter en latin pour lui apprendre l’humilité:
« vanitas vanitatum, omnia vanitas »
« vanité des vanités, tout est vanité ».
Ecclésiaste 1:2
Sources principales: Témoignage du Major Ngani et » Ainsi sonne le glas » d’Honoré Gbanda