Lors d’une récente prise de parole à Kigali dans le cadre d’une conférence publique, le général rwandais James Kabarabe a soutenu que la guerre à laquelle se livre son pays contre la République Démocratique du Congo risque de durer plus que prévu. Il s’appuie sur l’histoire pour alerter sur l’exclusion des rwandophones d’une part, et d’autre part, pour affirmer les affinités culturelles transfrontalières.
Dans son entendement, le conflit qui prévaut actuellement à l’Est de la RDC continuera pendant de longues années, vingt ans ou plus, si l’on n’y prend garde, d’un côté comme de l’autre. Il y a lieu, pense-t-il, d’interroger l’histoire pour comprendre la complexité de ce conflit traité actuellement de manière superficielle sans remonter aux causes lointaines du conflit.
Il s’en explique : Les frontières tracées lors de la période coloniale ont découpé les États de la région en morceaux. Vaincue par la coalition des forces britanniques et belges pendant la première guerre mondiale, l’Allemagne, ancienne puissance colonisatrice du Rwanda, s’est vue retirer certains territoires relevant de son ancienne colonie.
Une grande partie du Rwanda fut alors laissée en dehors, notamment dans l’est du Congo et dans le sud-ouest de l’Ouganda.
Dans ces territoires échappant désormais au Rwanda vivent des Banyarwandas qui y sont depuis la nuit de temps partageant la même culture que leurs frères et sœurs restés de l’autre côté de la frontière. Le ministre d’État rwandais en charge de la Coopération régionale parle de près de six millions des Banyarwandas aujourd’hui éparpillés entre la RDC et l’Ouganda.
La tragédie humanitaire de 1994 au Rwanda ayant entraîné le déferlement dans l’ex Kivu des génocidaires Interahamwe et ex FAR a exaspéré les banyamulenges devenus la cible des nouveaux venus. Composés d’anciens membres des forces régulières rwandaises et des milices Interahamwe, les FDLR ont enclenché la chasse aux banyamulenges jusqu’à cibler tout locuteur de Kinyarwanda.
« Ils ont poursuivi au Congo le génocide qu’ils n’ont pas terminé au Rwanda », a déclaré James Kabarabe. C’est sur ces entrefaites que les tutsis banyamulenges ont été contraints de regagner le Rwanda alors que Kinshasa continuait d’armer les FDLR.
La création en 2019 du CNDP et du M23 qui en est l’émanation en 2022 procède de la volonté des banyamulenges de rentrer en RDC et de récupérer leurs terres abandonnées. L’officiel rwandais estime, pour sa part, que les problèmes sous-jacents au conflit rwando-congolais n’ont jamais été résolus. Il s’aligne derrière la solution politique qui pourrait se dégager au terme du dialogue entre parties attendu vivement dans le cadre du processus de Luanda.
Du refus de Kinshasa à accorder aux banyamulenges la nationalité congolaise à la présence des FDLR au Kivu en passant par le soutien de l’armée rwandaise au M23, tout porte à croire que la complexité du conflit rwando-congolais requiert le dialogue direct entre les autorités de deux pays. Le général rwandais entrevoit même certaines similitudes entre le combat que mène le M23 et la lutte de libération qui a mené les troupes de Paul Kagame jusqu’à la prise de Kigali, le 4 juillet 1994.
« Lorsqu’un problème est idéologique et qu’il y a un manque de leadership, il devient impossible de le résoudre », a conclu l’officiel rwandais non sans susciter une vive polémique dans les milieux intéressés.
ANDEMA