Pas facile d’être sur la liste des membres de la commission annoncée à Kisangani le 23 octobre dernier par Félix Tshisekedi pour procéder à la révision de la Constitution. Surtout si, par le passé, on en a déjà fait partie… Mais pas étonnant non plus de revoir certains à l’œuvre en prétextant du devoir de sauver la Nation.
Maître Willy Wenga explique : « Savez-vous pourquoi les constitutionnalistes ne sont pas constants ? C’est parce que la matière constitutionnelle est plus politique que juridique et partant sentimentale et subjective. Ne soyez donc pas étonnés de voir un professeur se contredire au fil de ses intérêts politiques ». On est comme prévenu….
Moyenne d’une constitution tous les 7 ans !
A combien de constitutions en est la RDC depuis le 30 juin 1960 ? Le nombre exact n’est connu qu’au Journal Officiel, organe d’Etat compétent en la matière. Car il n’est pas question, pour la J.O., d’en comptabiliser les « tentatives ».
On peut au moins, avec une marge d’erreurs réduites, retenir :
- La loi fondamentale « offerte » à la République du Congo par la puissance coloniale à l’accession du pays à l’indépendance en 1960 ;
- La Constitution issue de la conférence de Luluabourg (Kananga) en 1964 ;
- La Constitution de la 2ème République en1967 ;
- Les deux ou trois Constitutions révisées sous le Mpr Parti-Etat jusqu’en 1990 ;
- Les deux ou trois Constitutions connues par le pays entre 1997 et 2002 ;
- La Constitution de la Transition issue du Dialogue Inter-congolais à Sun City promulguée en 2003 ;
- La Constitution de 2006 adoptée par référendum en 2005 et revisitée en 2011 sans toutefois toucher aux dispositions verrouillées (article 220).
Bref, on est autour d’une dizaine de textes pour une moyenne d’un tous les 7 ans !
Avec l’initiative finalement confirmée de Félix Tshisekedi à Kisangani le 23 octobre dernier, le Congo entre dans la seconde dizaine de Constitutions.
Par et pour la dignité
Le fait à relever est qu’il se trouve, en République Démocratique du Congo, des hommes et des femmes qui ont pour carrière professionnelle le changement des Constitutions.
Si, jusque-là, l’opinion ne se préoccupait presque pas de les identifier, il y a cette fois risque – avec la dynamique des réseaux sociaux – que la composition des membres du comité annoncé par Félix Tshisekedi pour la révision de la Constitution ne soit un secret.
Ce sera l’occasion de savoir qui a déjà fait quoi et quand.
Ce serait très gênant de retrouver les mêmes têtes, aujourd’hui désavouées publiquement par le Président de la République lorsqu’il qualifie leur texte comme une œuvre des étrangers confectionnée en plus à l’étranger avant de déduire, publiquement, qu’il s’agit d’une mauvaise Constitution.
Parmi les constitutionnalistes obligés soit d’accepter, soit de récuser la nomination, il y a des professeurs d’université, des acteurs politiques, des acteurs sociaux, surtout ceux dont les prises de position sont connues lorsqu’ils se prononçaient contre toute révision de la Constitution actuelle sous le régime Kabila, peu importe le camp.
En effet, quels arguments vont-ils utiliser désormais pour faire valoir le contraire ?
Déjà, par et pour la dignité, ils ne peuvent pas changer d’opinion.
Résultat : ils vont devoir décliner l’invitation de Félix Tshisekedi si jamais ils étaient invités à intégrer la Commission.
Reste à savoir s’ils en auront tous le courage.
Se contredire soi-même
A dire vrai, ce que Félix Tshisekedi a fait à Kisangani est un manque d’égard envers des alliés de l’Union sacrée de la nation, Udps inclus. A moins de les avoir consultés avant son discours et avoir obtenu leur caution. Ce dont on peut douter.
D’ailleurs, on l’aura remarqué depuis le 1er octobre 2024 après que l’Udps les ait comme pris au dépourvu avec l’initiative attribuée initialement à feu Étienne Tshisekedi : les alliés se sont tus.
Maintenant que Félix Tshisekedi a enfourché personnellement la trompette pour un son contraire à celui des années 2015 à 2018, ils sont obligés de réagir par un non ou par un oui. Ils n’ont pas de choix.
Une chose est vraie : certains ne voudront pas voir dans leur CV marqué à « autres emplois antérieurs exercés » : changeur de Constitution.
D’autres, c’est vrai, n’y trouveront aucun inconvénient !
Pour une fois, il serait quand même souhaitable qu’il soit signifié aux chefs d’État potentiels que lorsqu’ils se font élire, ce n’est pas pour se maintenir au pouvoir par des artifices fétichistes !
Quand on se porte candidats à toute fonction dans n’importe quel domaine, on est censé savoir comment s’exerce cette fonction et sur base de quels textes. Mais surtout, lorsqu’on sait qu’on a des réformes à y apporter, on les annonce pendant la campagne ! C’est une simple question de sincérité.
On ne cache pas son agenda pour l’exécuter après, une fois aux affaires, et se mettre à raconter par la suite que c’était dans le plan d’un patriarche !
Autrement, avec une dizaine de Constitutions tous les sept ans, si elle était les États-Unis, la RDC en serait à sa 255ème Constitution, celle des Américains datant du 4 mars 1789. On ne parle pas ici d’amendements, mais de changement de loi fondamentale.
Comparaison n’est pas raison, on en convient. Mais se retrouver tous les 7 ans en train de renier ses convictions – car la confection d’une Constitution est d’abord une affaire de conviction – n’a rien d’honnête ni d’honorable, même si honneurs peuvent rimer phonétiquement avec honoraires…
A un moment donné, il faut savoir dire NON quand les motivations sont floues et que la communication développée s’embrouille elle-même.
On sent de l’improvisation…
PROCHAINEMENT : Révision de la Constitution : tant que Félix Tshisekedi n’aura pas levé l’état de siège, tout débat côté Udps est sans objet !
Omer Nsongo die Lema