« Dites amen », « Donnez-moi un amen », répète inlassablement le pasteur s’adressant à ses fidèles à chaque culte. Rien d’étonnant. On est ici dans le domaine religieux, celui du croire, du non débat, de l’indiscutable, de la vérité révélée, de « ainsi dit le Seigneur ».
Mais le dévot chrétien reçoit également cette insistante sollicitation à l’acquiescement au-delà du parvis de l’église. De tous les côtés. De la part d’abord, depuis sa prime enfance, de ses parents, les « représentants de Dieu » sur la terre, dont il faut écouter les conseils et les interdictions. Et maudit est le rebelle enfant qui ne s’y conforme. De la part aussi de l’autorité hiérarchique qui invite à une stricte obéissance de ses directives, à ce qu’on boit ses bonnes paroles sans objection, celle-ci étant assimilée à l’indiscipline.
Également de la part du chef coutumier de la tribu qui promet l’ensorcèlement et les foudres des ancêtres à tout « sujet » qui conteste son autorité, ses volontés. Aussi du tyran intolérant, détenteur du pouvoir d’État (dont l’autorité, nous dit-on, viendrait de Dieu) et friand d’applaudissements qui, par les terrifiantes intimidations de ses services de sécurité et milices, exige davantage d’amen.
Habitué ainsi – par libre croyance ou par peur – à opiner, à dire partout et tout le temps « amen », l’homme congolais a perdu la capacité, le courage d’objecter, de contredire, de protester, de revendiquer, de s’indigner. Tout lui est devenu égal, l’acceptable comme l’inacceptable. Son esprit est anesthésié par un « amenisme » socialement intériorisé. Douter, questionner, s’auto-questionner, critiquer ont fini par lui paraître une démarche philosophique anormale.
L’esprit critique a quitté le Congo et est remplacé tristement par l’esprit approbateur, moutonnier, acclameur, pusillanime. L’état désastreux actuel du pays n’en serait-il pas la conséquence ? Peut-on imaginer le progrès d’une société moderne sans le nécessaire et permanente remise en question de tout (des idées, des personnes et des institutions), un des secrets du développement politique, économique et social de plusieurs nations ?
Une éducation à la réflexion autonome, au « libre examen », à l’expression audacieuse et assumée des idées et des convictions s’impose urgemment dans la société congolaise, et à l’intention particulièrement de sa jeunesse, aujourd’hui intellectuellement molle, timorée, de moins en moins revendicative.
Wina LOKONDO
Kinshasa, RDC