« Nous nous sommes ouverts à collecter des fonds à dédier à la RDC… »
- Quelles sont les motivations de la structure que vous avez mise en service à l’heure où particulièrement se fédèrent les énergies en vie de mener ensemble cette lutte contre le Covid-19 ?
Afia Santé est fortement préoccupée par l’évolution de la pandémie au Congo. Elle voudrait se mettre au service de la nation avec ses experts médicaux entre autres. Nous avons plus plusieurs potentielles fenêtres d’entrée. Au préalable, nous voudrions rappeler que les Coronavirus sont une immense famille bien connue. Virus, qui engendrent généralement des maladies bénignes mais depuis les années 2000, ont produit 3 épidémies mortelles : le Sars Cov-1 en 2003 en Chine qui était resté une maladie cantonnée dans cette nation. En 2012 le Mers Cov. Actuellement le Covid-19 19 avec le virus Sars Cov 2. Ce dernier virus s’est fait remarquer par sa contagiosité et sa virulence de par le monde. Si le mode de transmission est bien connu soit par gouttelettes ou par aérosols. Chose effroyable, dans 40 à 50 % des cas, la maladie est transmise principalement par des patients asymptomatiques (avant de développer les quelconques signes de la maladie).
Devant ce défi, nous comptons axer notre expertise sur la protection du personnel médical car on estime que la médecine devra continuer à être faite. Nous visons principalement la protection du personnel médical en lui pourvoyant des équipements de protection individuels et nous voulons également faire des efforts pour que chaque patient venant à l’hôpital soit doté d’un masque chirurgical.
- Que dire alors de l’équipe de riposte mise en place par la RDC vous qui êtes sur ce terrain médical ?
On ne peut être qu’admiratif devant cette équipe qui réalise sur le terrain des performances avec moins d’outils. Pour exemple, le pays ne dispose que d’un centre de biologie moléculaire, tout est centralisé à Kinshasa. Nous avons été en contact samedi dernier par téléconférence avec médecin du Sud Kivu qui doit attendre 2 semaines pour avoir le résultat d’un prélèvement. Il serait opportun que l’équipe de la riposte dote la communauté de données qui vont permettre de connaitre l’ampleur de l’épidémiologie. Je vais en énumérer quelques-unes : entre autres le R0 qui est le nombre d’individus infectés par un cas. Elle se situe entre 2 à 3 %. Le temps de dédoublement de la maladie qui est le délai pour que le nombre de cas se multiplie par 2. Avec ces deux notions, on peut dresser la courbe épidémiologique de la maladie. Cette courbe semble exponentielle dans de nombreux pays. Ces notions permettraient de trouver une explication rationnelle au confinement.
Comme on le sait en France, on a commencé à confiner quand on a su que le R0 était à 2.5 et le déconfinement se fera quand le R0 sera en dessous de 1. De la modélisation obtenue avec ces données, on peut estimer la pression hospitalière en général et celle de la réanimation en particulier. Cela permet aussi de voir quelles pressions on pourrait avoir au niveau des structures hospitalières. On peut modéliser en tenant compte de ces données épidémiologiques le nombre de lits dont on aura besoin pour les soins de personnes et éventuellement le besoin en réanimation. Pour étayer cette 2e question, je te demanderais d’utiliser la diapositive 6/62 qui parle de la contagiosité et de la létalité de la maladie.
En passant, la létalité de la maladie est le nombre de décès dus à cette pathologie qui serait aux alentours de 1 % pour le Covid-19.
- Qu’en est-il aujourd’hui du traitement proprement dit ? Et prouvez-vous nous donner un bref aperçu de l’évolution de la maladie ?
Il est important avant tout traitement de donner les signes cliniques de la maladie, les signes fréquents qu’on retrouve chez 10 % des personnes et des signes moins fréquents qui se retrouvent dans moins de 10 % des cas.
Il faut d’abord retenir qu’en somme la maladie est bénigne dans 85 % des cas. Dans 15 % des cas, on assistera à des complications respiratoires et dans cette population, 5 % seront admis en réanimation. La maladie évolue en deux phases : une 1ère phase qui est virale, elle est celle plus ou moins de la réplication virale qui dure 10 jours. Dans cette phase on aura besoin de médicaments qui maitrisent la croissance du virus. Il s’en suit une seconde phase de la maladie qui est une réponse dite inflammatoire, c’est-à-dire que notre système immunitaire en luttant contre le virus va faire générer une série de molécules inflammatoires principalement des Cytokine qui finiront par inonder notre poumon et causer des pneumopathies qui conduisent généralement les patients en réanimation. Cette phase aura besoin des médicaments dits immunomodulateurs.
Il faut noter qu’il n’existe aucun traitement qui a montré son efficacité à l’heure actuelle. Lors de la phase virale, on a utilisé les médicaments que nous connaissions comme l’Hydroxychloroquine associée ou non à l’Azithromycine. Les essais ne semblent pas montrer de résultats concluants à l’heure actuelle.
Il y a le Remdesivir qui est un médicament conçu pour l’Ebola. Il y a eu un premier essai chinois avec un petit nombre qui n’a pas été concluant. Récemment, la semaine dernière, les Américains avec une série d’au moins 1000 cas semblent être satisfaits, il y aurait une petite marge qui montrerait l’efficacité de cette thérapeutique.
Un autre médicament utilisé dans les cas du Sida, que l’on appelle le Kaletra associant Lopinavir et Ritonavir ne semblent pas montrer d’efficacité par rapport au placebo. Néanmoins s’il est donné plus tôt, cela pourrait être avantageux pour les patients qui en prennent.
Dans l’autre phase qui est la phase inflammatoire, il y a quelques essais avec des molécules telles que les Anti IL 6. En somme dans l’arsenal thérapeutique, tout est question de temps. Comme on le sait l’Hydroxychloroquine n’aura pas d’effet quand la pneumonie est installée et quand il y a des complications respiratoires. Lesquelles surviennent entre le 5e et 10e jour après le début des symptômes. On demande de ce fait au patient d’être attentif aux manifestations telles que les difficultés respiratoires et de consulter rapidement à l’hôpital.
- Comment comptez-vous participer concrètement et de maniere efficace à cette croisade au profit de la RDC et comment jugez-vous toutes ces mesures dites barrières au niveau local, les besoins en masques et plus bien en respirateurs ?
Pour les masques, la contamination étant principalement respiratoire par aérosols, ce qui cause beaucoup de dégâts, et comme rappelé ci-dessus, on est embêté par la transmission de la maladie par l’excrétion virale par des personnes asymptomatiques. Dès lors, le port du masque s’avère impérieux, ce qui permettrait entre autres aussi de déconfiner dans certains pays. Idéalement, il faudrait que tout le monde ait un masque chirurgical mais qui nécessite un changement toutes les 4 heures, ce qui serait difficile à tenir. Il faudrait donc un masque barrière, un masque en tissu qu’il faudrait laver au moins une fois par jour.
Il faudrait procurer au personnel soignant en contact avec les malades des masques de type FRP2. Ceci est un réel challenge pour notre pays. On parle de respirateurs, avons-nous réellement besoin de respirateurs au stade actuel de l’épidémie au Congo ?
Si nous avons 600 cas comme je l’ai dit, il n’y aura que 15 % de maladies respiratoires sévères (90 patients). De cette proportion, on estimerait à 4,5 % le besoin en réanimation. Si l’on tient compte des données congolaises actuelles, le peu de respirateurs que nous avons suffisent. Je voudrais rappeler que je fais partie de Afia Santé et nous sommes dans une recherche de fonds, nous organisons une collecte via internet pour avoir des fonds à dédier au Congo pour la lutte contre le Covid-19. Si la République a besoin de nous, nous n’hésiterons pas à la servir.
Propos recueillis par B.M.