Durant l’époque coloniale, les bistrot, buvette, dancing-bar, cabaret jouaient un rôle fondamental celui de sociabilité et de distraction. C’étaient les seuls endroits autorisés où les Congolais pouvaient se retrouver en groupe pour échanger ou tout simplement se divertir. Et cela se passaient autour d’un pot et des belles mélodies soit de la musique venant d’ailleurs soit de la musique du terroir. Leur rôle social est d’avoir su créer une certaine convivialité entre les personnes qui les fréquentaient, tout en leur donnant la possibilité de sortir de leur routine et de s’évader le temps d’un plaisir momentané. Ils servaient de cadre idéal pour les jouisseurs friands d’ambiance, d’alcool et de musique.
Pour ainsi dire, la musique congolaise moderne est intimement liée à ces lieux de loisirs qui servaient de sanctuaires et des lieux de passage incontournables des orchestres et des mélomanes.
D’autre part, ils servaient de terrain de prédilection aux orchestres pour leurs prestations scéniques ou la promotion de leurs œuvres et par conséquent, ils ont joué un grand rôle dans l’évolution, la vulgarisation, la promotion et l’épanouissement de la musique. A côté des orchestres se développaient également des associations d’hommes et de femmes, des groupes de soutien dont bon nombre ont été immortalisés à l’instar de Bana AGES, Amida, La pose, etc.
Au départ, ces débits de boisson étaient situés dans les quartiers jouxtant le centre-ville plus précisément au quartier Ngbaka où on retrouvait plus d’une dizaine de bars dans un petit espace. Bon nombre se situaient de part et d’autre de l’avenue Kasa Vubu. Sur avenue Tshuapa, on retrouvait les bars Yaka awa, Mbuma elengi, Congo bar et Air France ; à Itaga Ok Bar ou chez Cassien ; à Kitega Amouzou Bar et Macauley ; Golgot, Dit Théo bar, Kolo coast sur Luvua ; La Conga sur Kigoma, Polino bar sur Kabinda et tant d’autres Bosenge bar, Bonbon sucré.
D’autres bars se trouvaient dans la commune de Dendale, on avait Chez là-bas (kimpwanza bar), Chez Alex (un deux trois), Parafifi à Kanda Kanda, Petit Bois au quartier artisanal, Vis-à-vis Bar au rond point victoire, chez Kara au rond point Gambela-victoire.
A Bandal, il y avait Tshibangu bar et Cosbaki et à Kintambo Nzuzi bar croisement OUA et Komoriko.
A Ndjili, le bar qui était en vue et où les orchestres prestaient était chez Ndunga Ndunga appartenant au père du pasteur Couthino et à De bonhomme, il y avait Ma Crevette. Quant à Binza, l’endroit le plus en vue était Whisky à gogo.
Avec le temps certains groupes musicaux en ont fait leur point d’attache où ils répètaient ou livraient des concerts. Les cas de Parafifi pour l’African Jazz, d’Engels Bar pour le Festival des Maquisards, de Suzanella Maison Blanche pour l’African Fiesta National, de Kara pour Lovy du Zaïre.
Mais le plus célèbre d’entre eux est le bar Vis-à-vis qui était le passage obligé de tous les orchestres de Kinshasa, une sorte de temple de la musique.
Par reconnaissance du rôle primordial joué par ces bars dans la promotion de la musique congolaise, les artistes-musiciens ont immortalisé quelques uns à travers des chansons restées des intemporelles de la musique congolaise comme Parafifi (Grand Kallé), African Club (Kwamy), Club 53 (Rochereau), Nganda ya Émile Zola (Dewayon), Nganda Renkin (Michelino), Nganda Ma Campagne (Lola Chécain), Club 113 (orchestre Bamboula). Certains de ces bars sont également cités dans des chansons (Alex Bar, Café Rio, Café Rica, Boule Rouge).
Malheureusement ce pan de l’histoire de la musique congolaise ou carrément de l’histoire de la RDC est détruit car ces lieux emblématiques de la mémoire collective ont disparu et bon nombre sont transformés en églises. Or l’Etat devait protéger ces hauts lieux de la culture qui pouvaient aussi servir de sites touristiques et historiques.
Herman Bangi Bayo