Ressemblance tout à fait parfaite, comme le fait d’un clonage. Impossible de ne pas y croire, Yves Luambo Emongo est la reproduction identique de son défunt père : Lokanga La Djo Pene Luambo Makiadi Franco, tout un programme son nom. Ayant acquis une stature internationale du fait de s’être distingué dans le maniement de sa guitare et faisant également usage de sa voix pour égayer et aussi pour peindre la société à travers certaines de ses œuvres satiriques, Franco a grimpé à un niveau assez élevé. Portrait craché de son géniteur, disions-nous dès l’entame, son fils s’est engagé à pouvoir pérenniser son héritage musical. Le 6 juin 1956, l’OK Jazz est porté sur les fonts baptismaux et pour par après devenir une grosse entreprise sur laquelle trônait son fondateur. Aujourd’hui 64 ans après la disparition de son initiateur (un jeudi 12 octobre 1989 en Belgique), pour une certaine opinion, ce nom a disparu avec celui qui l’a porté au firmament de la galaxie musicale. Non pour son rejeton, qui se montre actif et déterminé, visiblement il n’est pas prêt à lâcher prise. Avec l’enthousiasme qui l’anime, pas du tout du genre à abansonner une activité dans laquelle on s’est engagé. Comme si Baden Powell, le scoutiste en chef, l’avait inspiré. Lui qui disait qu’une difficulté n’en est plus à partir du moment où vous l’affronter… Yves Emongo s’est mis en tête de rassembler des personnes habitées par le même souci que lui : ne pas laisser tomber l’OK Jazz de papa !
Les 30 ans de la disparition de Franco, le 12 octobre 2019 et les 64 ans de ce groupe sont passés sans échos ? Emongo soutient…
« Nous avions entrepris les démarches auprès des personnes idoines pour ne pas rater le coche via les correspondances dont la plupart sont restées finalement lettre morte. Entre-temps avec quelques assurances d’une bonne organisation, la famille s’étant mise à l’écart. La suite qui nous a été réservée n’a pas permis d’organiser une célébration à la hauteur de la stature du personnage de Franco, patrimoine national. Dans des pays bien structurés, on n’en serait pas à faire comme si on faisait la manche pour espérer l’aumône, car un artiste vit des retombées de sa production discographique via ses droits d’auteur. Ce qui, à l’évidence, est loin d’être le cas chez nous. Ça fonctionne mieux sous d’autres latitudes. Totalement différent pour les 64 ans du groupe. Le contexte difficile imposé par le confinement nous a contraints de revoir nos calculs… »
Mais que reste encore de l’OK Jazz, ce ne sont plus des figures connues d’autrefois ?
« En effet, ce ne sont plus ces figures que l’on a connues à l’époque. Je manage un groupe de musiciens (OK Jazz nouvelle vague) qui ont intégré en eux le rythme odemba ayant caractérisé celui exploité par Franco et qui ont travaillé notamment avec Simaro Lutumba, Josky Kiambukuta et autres, en vue de maintenir à la surface, autant que faire se peut, son style qu’il a imprimé dans ce lieu où nous nous trouvons (Un-deux-trois) où l’OK Jazz a fait la pluie et le beau temps des mélomanes. J’avoue que nous nous en sortons pas mal. Chaque dimanche on a pris rendez-vous ici pour faire revivre ces moments d’autrefois avec un public qu’on a commencé à fidéliser. Mais avec ce que vous savez, la crise sanitaire a quelque peu douché et tempéré nos ardeurs. Nous continuons à nous exercer dans la perspective d’une reprise prochaine… »
Comment, lui, a-t-il vécu la disparition de son père ? Il l’explique…
« La vie sans ses parents pour un enfant est vécue autrement. Même 30 ans après je ne réalise pas cela et chaque jour qui passe je sens ce vide énorme qui s’est créé. Comment je l’ai vécu ? On était ensemble à Paris et on a évoqué des projets pendant que lui s’en allait à Bruxelles pour son rendez-vous avec ses médecins pour des soins. Et brusquement ce jour-là je reçois un coup de fil qui m’annonce son décès. Et ce fut comme un coup de tonnerre. Et cela se ressent jusqu’à ce jour. C’est lorsqu’on perdu un parent de cette dimension quon peur comprendre cela. Obligés aujourd’hui de vivre avec cette absence impossible de combler autrement qu’en faisant comme ça ».
Qu’en reste-t-ilbdes biens surtout immobilier de l’artiste ?
« Pour son patrimoine surtout immobilier, nous préservons ce qu’il nous a laissé comme son antre où il se produisait, l’habitation de Limeté 13e rue, des résidences à Kingabwa, quelques appartements au centre-ville en plus des villes à UPN. Je dois affirmer que tous ses biens sont bien là à 80% en intégrant également le groupe musical.
Je ne suis pas le seul fils de mon père et on est bien nombreux même les plus cachés, je les connais tous… »
Avant de conclure l’entretien, notre interlocuteur délivre un message…
« Nous nous attelons à faire de notre mieux pour que la mémoire collective ne puisse pas oublier des patrimoines comme ceci et que l’histoire ne s’efface pas. Beaucoup de ceux qui viennent aujourd’hui nous suivre sont de notre génération qui ont appris à connaître la musique de Franco à travers leurs parents et nous la reproduisons pour eux, voire pour les nostalgiques ayant vraiment vécu cette époque. Aux autorités je demanderais d’avoir un œil ouvert sur des héritages musicaux de Kallé, Rochereau, Franco, etc., pour leur pérennité. J’espère de tout cœur que pour le prochain anniversaire de sa mort, nous manquerons le coup en vue de mieux faire… »
Entretien réalisé par
Bona MASANU