« Attentionné et proche, la présence de mon père nous comblait de bonheur… »
L’homme ne saurait apercevoir l’ordre qui règne dans la création sans éprouver de la joie d’un fils qui retrouverait la trace de son père. D’autant qu’à l’adolescence, le fils prend modèle sur son père, son repère, son référent, pour se construire. Dans Erick, son fils aîné, Djo Mpoyi (27 ans dans l’au-delà) pourrait être heureux de survivre. Silhouette frêle, il n’a pas la carrure physique de son défunt géniteur, mais il reproduit à l’identique sa voix pour le plus grand plaisir de ceux qui l’ont aimé et apprécié du temps où il faisait la pluie et le beau temps du groupe de Franco.
Djo Mpoyi fut l’une des voix exceptionnelles qu’aient connues le Congo. C’est dans l’OK Jazz que son étoile a le plus brillé. Il emportait les cœurs par la douceur de sa voix naviguant sur un tempo « mélancolie et sensuel » plaquée sur des chansons telles Mandola, Chérie Kazadi, Ebale ya Zaïre, Kadima, et bien d’autres du poète Simaro Lutumba. Nous l’avons approché pour nous en parler…
« Je suis venu au monde à Kinshasa, dans la nuit du combat du siècle Ali-Foreman (entre le 30 octobre et 1er novembre 1974). Mon père (de son vrai nom Ignace Mpoyi Kanyinda) nous a comblés de bonheur par sa présence, même si son métier accaparait la majeure partie de son temps, malgré tout, il se montrait présent pour sa famille. Et pour l’éducation de ses enfants (une bonne dizaine), en dépit de son apparence, il était un tantinet sévère et catégorique et y veillait scrupuleusement. Nous sommes nés de plusieurs mères, mais les produits d’un même arbre. Certains sont ici et d’autres à l’étranger, tels Elimelick (qui bosse à l’aéroport de Roissy à Paris) ainsi que Arnold qui est basé en Amérique », dit-il.
Et inévitablement cette fibre de la musique est transmise, comme inscrite dans l’ADN ? Erick ne s’embarrasse nullement pour l’expliquer : « Au départ, je suis porté vers autre chose et mon ambition étant de devenir pilote, exercer dans l’aviation civile. Je le dis à mon père quand il me pose la question à 7 ans. Donc je me voyais m’inscrire dans l’option Math-Physique pour y parvenir. Ancré dans la foi religieuse, en grandissant dans l’optique de réaliser mon rêve, à l’église, la musique m’occupe en tant que chantre et le gospel prédomine. Mais déjà à la maison, l’univers familial est inondé des sons qu’écoute mon père. Il y a du Lionel Richie, Marvin Gaye, George Benson, les Jackons Five, James Brown. C’est du reste ce qui influence ses goûts. Il a donc commencé dans les cabarets comme à Perruche bleue, où il fait la pop music. Son look de coiffure afro en est dailleurs le signe visible. Puis il poursuivra dans Lovy Zaïre se produisant à Kara chez Vicky Longomba. Et en 1977, il est incorporé dans l’OK Jazz où ses talents sont devenus patents ».
A n’en point douter son récit paraît fort saisissant, avec les mots pour le dire…
« Et je me souviens de ce que la prophétesse de mon église m’avait dit : Dieu agit de multiples façons et sait ouvrir les portes pour que chacun accomplisse sa destinée. Djo Mpoyi ferme les yeux à jamais, dans la nuit du 18 au 19 septembre 1993, sur 178 avenue Kalembe-Lembe où nous habitions et il fallait poursuivre le cours de l’existence. J’avais deux devoirs fondamentaux. Primo : faire bâtir un mausolée pour lui. Cela exigeait un apport financier conséquent. Deuxio : immortaliser ce qu’il a pu faire. Le 11 janvier 2013, soit 20 ans après le décès de mon père, je suis sollicité par Jean-Claude Eale (que je salue au passage) et Souzy Kasseya pour interpréter, à mon corps défendant, un morceau chanté par mon père une composition de Simaro Lutumba « Immortel Franco ». L’exécution est faite avec brio, l’auditoire, ce jour-là, à la cathédrale Notre Dame de Lingwala, s’est mis à rêver. Deux fois dans la soirée, l’assistance n’en revenait pas. Pour un coup d’essai, ce fut un coup de maître ! Et lors de l’édition d’après, j’ai réédité l’exploit en transformant l’essai.
Dans entre-temps, le poète Lutumba m’a approché pour quelques projets. Puis Yves Emongo, le fils de Franco : des prestations qui ont eu le mérite de mettre sur orbite dans l’antre du défunt papa Franco (Un-Deux-Trois). Le pli étant pris, j’ai pensé ensuite, en fonçant, créer mon label. Au départ, Djo Mpoyi for ever qui s’est mué en Djo Mpoyi mania music, devenu le nom de mon groupe. De ce temps-là à aujourd’hui, cela a pris de l’ampleur avec impact. Au début, c’était à Bantou Palace à Bandal-Kimbondo et maintenant, c’est Chez le colonel, toujours là-bas mais au bout de l’avenue Inga. Pour l’heure, nous nous préparons à renouer avec le public. Nous sommes soutenus pour réaliser nos projets futurs par une dame kenyane résidant au Danemark en espérant recevoir le soutien de certaines bonnes volontés pour parvenir à réaliser le mausolée de mon père… »
Bona MASANU