Après l’indépendance, les Congolais, pour la plupart des politiciens et des commerçants, ont commencé à envoyer leurs enfants aux études en Belgique.
Beaucoup étaient dans des internats et d’autres dans des familles d’accueil.
Et, à Bruxelles, il y avait un centre d’accueil qu’on appelait Maisaf (Maison africaine) ainsi que des écoles et deux universités dont ULB. Dans le quartier Porte de Namur, des commerces et des restos et bistrots que les élèves et étudiants fréquentaient, notamment le très célèbre Mambo.
Zu début des années 70, le coin devient le point de rencontre des compatriotes qui vont devenir en octobre 1971 des Zaïrois avec le changement de nom du pays. Et ces années-là, la Belgique était souple en matière de délivrance des visas.
Je me souviens que les agents de la Miba (Minière de Bakwanga) et surtout de Air-Zaïre avaient droit à des visas pour les vacances. C’est à partir de ces années-là que les Congolais ont démarré le commerce en devenant beaucoup plus présents, d’abord par des concerts d’orchestres des étudiants (nommés Belgicains) qui se retrouvaient les week-ends et les vacances pour s’occuper et se divertir. Ensuite, le commerce proprement dit va se développer à la galerie Porte de Namur et ses abords : sur les rues et chaussées de Wavre, de Namur, avenue Francart, église Saint Boniface, la proximité des hôtels de luxe et de l’avenue Louise ainsi qu’à la Gare du Midi.
Très vite le quartier grouille du monde et se fait appeler
Matonge : le plus fréquenté des Congolais résidents ou de passage dans la capitale belge.
Les commerces qui se sont développés dans la galerie, c’est notamment la vente des wax, abat-cost, feuilles de manioc, poissons fumés, de petits restaurants et un disquaire chez Pierrot, etc… L’affluence des Zaïrois fait penser au quartier Matonge (ex-Renkin), et au fil de temps, par effet d’osmose, il se fait carrément débaptiser ainsi, avec l’accord des autorités municipales. Matonge-Bruxelles prend de de l’envergure.
On y mange et on boit comme à Kin. Dautres nationalités y trouvent dans cette ambiance importée. On voit venir notamment les Rwandais, les Burundais et en 1968 beaucoup des Marocains. Les nôtres, toujours en grand nombre, car nous avons de nombreux enfants métis venus du Congo, des Belges nostalgiques et nos propres enfants nés sur place. Et les Zaïrois tiennent l’affiche de tous les commerces ou presque…
A la fin du règne de Mobutu, les Rwandais quittent le Congo en surnombre pour la Belgique, mais beaucoup ont grandi chez nous et ne parlent et ne mangent que congolais. Ils les ont rejoints et fréquentent le quartier Matonge et s’accomodent de l’ambiance de leur pays d’adoption.
Aussitôt, nous lorgnant malignement, ils constatent que nous ne sommes pas bien organisés : trop des conflits souvent inutiles alimentant des polémiques entre-nous, accumulant des dettes et des retards de paiement de loyers et des commerces, des liquidations, des remises de fonds de commerce et resiliation de bails… Tout y passe !
Occasion toute rêvée pour les évincer. La relève ne tarde pas si bien qu’aujourd’hui pas un pas sans rencontrer un Rwandais dans le coin.
D’autres ont l’appui de leur pays pour contrôler les business et le quartier Matonge.
Quant à nous, il ne nous reste plus grand-chose. Tout compte fait, il ne reste que cinq restaurants, quelques salons de coiffures dames et mixtes, des agences de frets pour Kinshasa… Comme à notre habitude, tout le monde fait ce que fait tout le monde fait. Pas d’innovation…
EIKB 65