Durant presque une décennie, l’équipe de Dragons a toujours pris le dessus sur le Daring et cette hégémonie prendra fin avec l’arrivée d’un jeune joueur au nom de Kakoko Manu.
En 1968, sorti fraichement de l’adolescence, transfuge de Racing, Emmanuel Kakoko faisait ses premiers pas dans Daring au poste d’ailier gauche. Il avait un drible désarçonnant, un bon tir de gauche, un merveilleux jeu des jambes. En réalité, il était un faux gaucher mais un véritable droitier et un vrai chasseur des buts. Avec le soutien indispensable à ses côtés du routinier Raoul Kidumu, le duo était promis à un bel avenir et les équipes adverses avaient tout à craindre. Cette année-là, Freddy Mulongo était l’entraîneur des vert-blanc. Battre Dragons était pour lui un défi à relever ! La joute était très disputée. A cause d’un but validé par l’arbitre mais contesté par Daring, les joueurs d’Imana refusèrent de continuer la partie et quittèrent la pelouse sous les pleurs de Kakoko qui les suppliait de revenir sur le terrain et se battre jusqu’au dernier coup de sifflet. L’entraîneur Mulongo vint calmer le « dieu » resté seul sur le terrain alors que tous ses coéquipiers avaient déjà regagné les vestiaires. Sur la photo publiée le jour suivant par le quotidien Le Progrès sous le titre « Les larmes d’un dieu », on pouvait voir Manu Kakoko les yeux larmoyants soutenu pas son entraîneur. Le miracle tant attendu ne s’était pas réalisé. Et Daring perdit de nouveau cette joute comme le voulait la tradition entretenue depuis la fracture d’Eugène.
Puis vint Jonas Mukamba qui prit les commandes de l’équipe. La rencontre passionnelle contre Dragons pointait à l’horizon. Le jour tant attendu arriva, baignés de crainte, de doutes mais aussi d’espoirs renouvelés pour les daringmen. Dès le début, Daring annonça la couleur. Sur un coup franc accordé aux vert-blanc, Kakoko se chargea de la sentence. Son boulet de canon termina sa course sur le ventre de « Major » sur le mur formé par les défenseurs. Il s’écroula sur le coup ! L’infortuné défenseur de Dragons était à peine évacué que Kakoko qui de nouveau hérita d’une bonne balle marqua le premier but. Puis, il y eut un deuxième, puis un troisième, enfin un quatrième. Le marquoir indiquait le score de quatre buts à zéro pour l’équipe chère à Mukamba. Magie Mafuala de Dragons tenta de se frayer un chemin. Le match se termina sur ce score sans appel (4-2). Les défaites successives depuis la fracture d’Eugène venaient d’être vengées. Kakoko, l’homme du match, celui par qui cette victoire était venue marqua à lui seul trois buts. Il venait non seulement de mouiller son maillot mais par son talent et son engagement, il venait aussi d’ écrire l’une des plus belles pages de l’histoire de sa vie de footballeur. Le divorce était consommé et le football congolais en avait pris acte. La joie avait changé de camp, la victoire aussi. C’était la chaleur tropicale chez les Tupamaros et le froid glacial auprès des Monstres et ce pour la première fois depuis bien longtemps. L’affront venait d’être lavé et de quelle manière !
A la tête du Daring, Mukamba connut son heure de gloire. Car c’est sous sa présidence que ce qui paraissait impossible est devenu realisable. Une épithète fut collée au patronyme de celui qui permit au Daring de battre Dragons. Plus que jamais, il était devenu Mukamba « Sukisa ».
Samuel Malonga