La séparation, quoiqu’il arrive, a toujours son côté douloureux. Voilà qu’aujourd’hui, on doit bien se rendre à l’évidence : Mfumu Fylla de Saint Eudes est vraiment parti. Pour de bon ! Il était trop grand (par sa taille) pour qu’on ne l’aperçoive pas, mais aussi immense par ses talents intrinsèques d’homme de culture qui n’a vécu que pour ou par l’écriture. Ma dernière rencontre avec lui, c’était il y a deux ans, exactement le 2 avril 2018 à Brazzaville chez lui sur 102 rue Bakongo à Poto-Poto. Ce jour-là nous avons mangé un morceau avant de nous mettre à préparer l’arrivée de Simaro Masiya Lutumba que le président Sassou Nguesso devrait honorer parce qu’il quittait la scène. Auparavant j’étais son invité le 19 mars 2018 à Radisson à la faveur de la présentation de son dernier bouquin relatant, mieux rappelant la Conférence nationale du Congo, son (autre) pays. C’est après le baptême du livre par le ministre Hugues Ngolondele que nous nous sommes mis à monter le dossier Lutumba. J’étais, pour ce faire, installé à Brazza pour en assurer le suivi pour le compte du comité dont j’étais membre. Je me souviens qu’après cette démarche a complètement échoué, il me lancera : « ça c’est typiquement zaïrois ! ». Dans son entendement, nous les Congolais de la rive gauche du fleuve, nous faisons (ou aimons) une chose et puis son contraire. Tout comme moi, il avait souffert de ce désagrément indépendamment de notre bonne foi. Éminent journaliste et écrivain émérite, Mfumu Fylla qui était tout sauf « petit » porte un nom qui veut dire chef dans une langue commune aux deux Congo. Ceci explique bien évidemment cela ! Je l’ai connu dans ma jeunesse durant mes années-collège lorsque je fréquentais le lycée Chaminade. Déjà assidu lecteur avant d’entrer dans la profession, ses écrits avaient fait tilt dans mon esprit. Et à mes débuts à Elima et lors de mes fréquentes traversées de l’autre côté, nous avons développé nos rapports et j’ai découvert par la suite qu’il était aussi de par sa mère Congolais d’ici. Je l’ai dit plus haut, du fait d’être une sommité de l’écriture, il en vivait et ne faisait que ça ! En somme, un homme qui savait tirer les marrons du feu, comme on dit. Et personnage fort attachant. Propriétaire d’une grande maison d’édition, Mfumu avait tout d’une tour de contrôle, pour ne pas dire plus. Au bout du compte, il a poussé son dernier soupir quelque temps après avoir été victime d’un satané accident cardio-vasculaire (AVC)… Va en paix pour le repos éternel ! Nous, particulièrement moi, n’allons jamais l’oublier.
Jean-Pierre Eale Ikabe