À 55 ans, cet ex-ministre de la Défense, également proche du président Ouattara, prend la tête de la primature pour succéder au défunt Amadou Gon Coulibaly.
Après le décès soudain du Premier ministre et candidat du parti au pouvoir à l’élection présidentielle d’octobre, Amadou Gon Coulibaly, intervenu le 8 juillet dernier, Alassane Ouattara a choisi de remettre les clés de la primature à Hamed Bakayoko, 55 ans, qui en assurait l’intérim depuis près de deux mois. « Le président de la République a procédé à la signature d’un décret portant nomination de M. Hamed Bakayoko en qualité de Premier ministre », tout en conservant le portefeuille de la Défense, selon un communiqué de la présidence publié jeudi 30 juillet. Son nom avait circulé comme présidentiable, avant la désignation en mars d’Amadou Gon Coulibaly comme candidat du parti au pouvoir pour la présidentielle d’octobre en Côte d’Ivoire. Mais qui est-il vraiment et de quelle marge de manœuvre dispose-t-il, alors que la Côte d’Ivoire est entrée dans une période d’incertitude.
Ex-homme de médias
Du haut de son mètre quatre-vingt-neuf, l’ancien journaliste et homme d’affaires Hamed Bakayoko est devenu en une décennie un acteur politique incontournable : ministre d’État, ministre de l’Intérieur en 2011 puis de la Défense depuis 2017 et depuis deux ans maire d’Abobo, l’une des deux communes les plus peuplées d’Abidjan et de Côte d’Ivoire.
Mais il y a vingt ans en arrière, Hamed Bakayoko était un heureux dirigeant de médias, Le Patriote, Radio Nostalgie ou encore Nostalgie Afrique. C’est en 2011 qu’« Hambak », comme le surnomment les Ivoiriens, fait son entrée en politique. Il est nommé ministre des Nouvelles technologies, de l’information et de la communication (NTIC) dans un contexte sécuritaire ultrasensible. Les accords de Linas-Marcoussis (du nom d’une petite agglomération de la région parisienne) venaient d’être signés en France sous l’égide de Jacques Chirac et Laurent Gbagbo et un gouvernement de réconciliation nationale devait être constitué. Alors que Hamed Bakayoko est membre du RDR, le Rassemblement des républicains, il entretient d’excellentes relations avec l’opposition et surtout Guillaume Soro, qui insiste pour qu’il entre au gouvernement. Il reste à son poste de mars 2003 à avril 2011.
Enfant d’Adjamé
Et pourtant, rien ne le prédestinait à une telle carrière. Hamed Bakayoko est né dans le quartier d’Habitat-Extension, dans la commune d’Adjamé. Sa famille est pieuse et conservatrice, descendant d’érudits musulmans connus de la famille d’El-Hadji Moussa Bakayoko, celui-là même qui, selon la légende, fonda la ville de Koro, dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire. Élevé par son père veuf avec son frère et ses deux sœurs, Hamed Bakayoko part dès la fin du lycée pour le Burkina Faso afin d’y étudier la médecine. Il n’ira pas au bout, car à Ouaga ce mélomane amoureux des rythmes ivoiriens et habitué des clubs s’éveille à la politique, découvre Thomas Sankara et les discours de lutte.
Un parcours de militant
À son retour à Abidjan, il commence à militer au sein du Mouvement des étudiants et élèves de Côte d’Ivoire (MEECI), un syndicat proche du PDCI-RDA (Rassemblement démocratique africain). Ce qui lui donne l’idée de fonder dans ces années 90 le mouvement de la Jeunesse estudiantine et scolaire du PDCI (JESPDCI). Qu’à cela ne tienne, pourquoi ne pas fonder un journal. Hamed Bakayoko lance Le Patriote, qui se veut proche d’Houphouët-Boigny et du PDCI. Le Vieux n’y est pas sensible et Hamed Bakayoko décide de se mettre au service de la défense du Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny, Alassane Ouattara. Il vient de lancer avec Djéni Kobina le Rassemblement des Républicains (RDR) et Le Patrioteen devient son organe de presse. Mais Henri Konan Bédié, grand rival d’Ouattara, ne digère pas l’un des courriers de lecteur lui portant atteinte. Bakayoko est envoyé en détention à la Maca, à Abidjan, pour quatre mois et seize jours.
Un tournant : la rencontre avec Dominique Ouattara
Après sa sortie, il se lance en radio avant de faire la rencontre de celle qui deviendra la première dame de Côte d’Ivoire, Dominique Ouattara, qui investit dans son média. Depuis cette époque, une relation de confiance s’est installée entre les deux hommes qui se sont rapprochés au fil des années. Au point que lorsque le 11 avril 2011, Laurent Gbagbo est finalement arrêté dans sa résidence de Cocody par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI), Alassane Ouattara désigne Hamed Bakayoko pour assurer la protection de l’ancien président à l’hôtel du Golf.
Marié à la très discrète Yolande Bakayoko depuis plus de vingt ans, franc-maçon et grand maître de la Grande Loge de Côte d’Ivoire, Hamed Bakayoko est aujourd’hui une personnalité de poids au sein de la machine Ouattara. Dans tous les cas, il est un rouage indispensable pour la prochaine élection présidentielle. Alassane Ouattara devrait vraisemblablement se représenter au scrutin présidentiel pour un troisième mandat, mais il a annoncé différer sa décision, mercredi, devant le conseil politique de son parti, le RHDP à Abidjan.