La « politique des petits pas » menée par le président Tshisekedi suscite désormais de grandes vagues.
En effet, alors que le chef de l’Etat élargit progressivement sa sphère de pouvoir en grignotant celle de son allié, à savoir la coalition FCC (Front commun pour le Congo) qui soutient l’ex-président Kabila, cette dernière, après un assez long silence vient de répliquer par une note à la fois juridique et cinglante qui vient de nous être communiquée.
Le document rappelle en effet les nécessaires concertations qui doivent être menées entre le Président de la République (irresponsable suivant la Constitution) et son Premier ministre, chef du gouvernement, qui conduit la politique de la nation et en répond devant le Parlement. La note rappelle aussi les domaines de collaboration entre le président et le chef de gouvernement : la sécurité, les affaires étrangères et la défense. Rappelons que le Premier ministre Ilunga Ilunkamba appartient à la mouvance de Joseph Kabila et dispose, au Parlement, d’une majorité qui lui est assurée par le FCC.
« Dol, ruse, malice et fraude »
Les griefs sont nombreux mais le plus lourd, le plus sensible d’entre eux, porte sur la réorganisation des forces armées, où des officiers de haut rang, réputés proches de l’ex- président Kabila, ont été mis à l’écart comme le général Numbi ou ont reçu d’autres affectations, comme les généraux Mundos et Gabriel Amisi.
La note juridique conteste les ordonnances signées et publiées par le Président de la République et contresignées par le vice-Premier Ministre Gilbert Kankonde Malamba, qui est aussi ministre de l’Intérieur et de la Sécurité et appartient au parti du président Tshisekedi. Cette signature a été apposée en l’absence du Premier ministre Ilunkamba, qui se trouvait à Lubumbashi et a été tenu à l’écart de la décision, même si, avant d’entamer son voyage de deux jours, il avait précisé qu’il demeurait joignable et rappelable. La note souligne que l’avis du Conseil supérieur de défense n’a pas été sollicité, que le Conseil supérieur de la magistrature ne s’est pas réuni sur ce sujet. Il y aurait donc eu « dol, ruse, malice et fraude » et surtout, les auteurs de la note considèrent que « ces ordonnances anticonstitutionnelles et frauduleuses doivent être considérées comme sans effet ».
Chaque camp fait ses comptes
Un autre point litigieux est la succession du président en exercice de la Cour constitutionnelle Benoît Lwamba Bindu, qui a présenté sa démission en quittant son pays pour la Belgique. Au lieu de le remplacer par un seul magistrat, qui aurait été chargé d’achever son mandat, le chef de l’Etat a désigné trois nouveaux membres, à nouveau sans concertation. Ces violations, selon la note « violeraient la lettre et l’esprit de l’accord de coalition » entre le FCC et Cach (Coalition pour le changement) torpillant ainsi les indispensables concertations entre les deux familles politiques qui se partagent le pouvoir.
Par Colette Braeckman Le SOIR 26/07/2020