Jeudi, 27 août 2020, 19 h 00’, heure de Liège. Je rejoints Lita Bembo avec qui j’ai rendez-vous sous le dôme de Mediacity, avant de descendre finalement à la maison, non loin de là. Nous échangeons autour du livre que je viens d’écrire sur sa carrière musicale.
Ce faisant, il me rappelle sa proposition faite au téléphone il y a quelques mois de me mettre en contact avec Jean-Claude Mass Mombong basé en France et qui écrirait aussi, sous sa direction, un livre intitulé : “Pourquoi j’ai failli être excommunié de l’église catholique ?”.
Je lui rappelle que j’étais au courant de cet incident à l’époque même où il était chaud et que j’en ai fait mention dans mon livre, autant que j’en avais fait écho en son temps dans les colonnes de Disco Magazine, mon journal de l’époque….
De fil en aiguille, il appelle Jean-Claude Mass Mombong et lui rappelle la conversation qu’ils avaient eue ensemble pour nous mettre en contact. Il me passe le téléphone et j’ai une petite discussion avec Jean-Claude dont la vision de la démarche livresque sur notre culture épouse carrément la mienne.
Petit silence… Puis exclamation douloureuse : mais nooon !!!!! On avait rendez-vous pour une interview car je voulais écrire sur lui ! Mais noooon !!!!
Jean-Claude qui contient mal son émotion, lâche : Meridjo vient de nous quitter ! Ma tête éclate quand il précise qu’il vient de rendre l’âme aux CHU de Liège !
Je vis à Liège et je ne savais même pas que Meridjo y vivait aussi. J’informe Lita qui se sent aussitôt mal.
Jean-Claude dit qu’il n’avait plus de ses nouvelles depuis deux mois, alors qu’ils devaient matérialiser leur rendez-vous. Le temps pour lui de se rendre compte qu’il était à l’hôpital sous respiration artificielle et… le pire est arrivé…
Meridjo, Masini ya Kauka…
La caisse claire raisonne de manière claire, sans laisser la moindre place à une fausse note. La cadence, clairement est entraînante. Très entraînante. Le rythme « Cavacha » est né et Zaïko est au firmament, détrônant tout sur son passage. Meridjo est incomparable et la musique congolaise vient de prendre un autre tournant. Elle a désormais un filigrane qui l’identifiera et l’authentifiera à jamais.
Les Kassav reviennent à Kinshasa pour la deuxième fois. Je couvre l’événement en ma qualité de journaliste. Jacob Desvarieux dit : nous avons découvert un beat extraordinaire ici au Zaïre et nous n’avons pas hésité à l’incorporer dans notre musique. Ainsi, nous avons décidé de commencer le clip de la chanson « Siye bwa » ici à Kinshasa….
Le tournage est fait en live, en nocturne, au stade du 20 Mai. Écoutez Sye bwa https: https://youtu.be/3icUkItmvNI et voyez l’honneur qui est fait à Meridjo avec la caisse claire bien en évidence qui démarre si chaudement le morceau et le domine de bout en bout. Je ne dis pas que c’est Meridjo qui joue là-dedans. Les Kassav ont adopté son beat pour révolutionner leur musique et y mettre un peu plus de cadence dans le rythme.
J’ai des larmes aux yeux…
Un groupe gospel Sud africain, de passage à Kinshasa, à la même période, découvre la musique de Zaïko et dit : ça c’est une belle musique (instrumentale) pour la louange. Tellement elle est entraînante…
En séjour en Haïti, en écoutant le Kompas, la musique haïtienne proche du Zouk, je pensais à Meridjo et à une tournée de master démonstration en one man show dans les Caraïbes pour présenter l’homme qui a révolutionné la musique des îles. Cela remonte à trois ans et je suis revenu mil fois sur Liège, sans savoir que Meridjo y résidait pour prendre langue avec lui et mûrir le projet….
Je suis triste.
Siye bwa veut simplement dire couper le bois, couper l’arbre en créole guadeloupéen. Parmi les instruments de musique utilisés en Guadeloupe, il y a ce qu’on appelle “ti bwa” (petit bois), un morceau de bambou (qui ferait office de lokole en petit format chez nous) qui produit un son sec. Mais les Kassav ont fini par se rendre compte que le son sec de ti bwa ne rendait pas exactement ce que recherchait la musique de l’île. Mais, Ils ont trouvé plutôt ce son dans la caisse claire de Meridjo.
Je pense aussi à Koyongonda, le doyen de lokole depuis Isifi Lokole…
Ata kutu ekolamusa mutu te, pensons à une médaille d’honneur pour Meridjo et aussi à la mémoire de Koyongonda qui ont plus que valorisé notre culture.
Charles Aznavour a eu droit à un monument, de son vivant, avec un projet d’imprimer son effigie sur les billets de banque de son pays.
Je ne dis pas qu’on fasse pareil pour Meridjo et Koyongonda. Je pense à la plus haute distinction à titre posthume.
Sachons honorer nos valeurs.
Asimba Bathy