Nous fonctionnons ici chez nous, sous les tropiques, aux antipodes de ce qui se passe ailleurs, sous d’autres cieux plus vivables. À Kin, par exemple, en plus du fait qu’on répond généralement à une question par une question, nous avons cultivé l’art de railler nos semblables. Une illustration : « Est-ce que Marie habite cette rue ? ». Voici la réponse des gens de chez nous : »Qui la cherche et pourquoi ? »
On progresse… Nous voici devant un étal ! « Qui vend ici ? », la commerçante qui s’est provisoirement absentée et de là où elle se trouve va te répondre à la cantonade sur un ton déclamatoire exactement comme au théâtre : »Tu veux acheter ? ». Une énumération qui est loin d’être exhaustive.
Passons à autre chose et sur un autre registre, les exemples sont légion de nos railleries qui laissent toujours pantois. Nous allons le démontrer tout de suite… Chez les Blancs, quand une fille publie genre : « Je veux préparer du riz, mais je ne sais pas comment faire », vous verrez des commentaires du style, écoute Sandrine : « Mets de l’eau au feu et quand elle est en ébullition, verse le riz après l’avoir lavé au préalable ». Et puis Sonya ajoutera, dans le même élan : « N’oublie pas de diminuer le feu sous le riz quand il n’y a plus d’eau ». Puis Jessica avertira : »Pour plus de précautions, va sur le site Le Marmiton, tu seras mieux guidée et ensuite tu pourras même faire d’autres recettes intéressantes ».
Mais chez nous, tu peux tomber à la renverse… Ose publier seulement « Je veux préparer du riz, mais je ne sais pas comment faire » puis ouvre bien les yeux pour lire les réactions… Déborah, la première : « À ton âge tu ne sais pas préparer le riz ? Mais si c’est pour exposer ton corps sur les réseaux sociaux tu es la championne ! » Ça commence toujours comme ça !
C’est ici que Claudia intervient, comme si sa vie en dépendait : »Ma copine vient lire les commentaires. Gagagagaga, je suis au sol hoo (elle mentionne le nom de sa copine). Le gars-là, Dezy, n’est pas loin, lui aussi s’y met ajoutant son grain de sel : »Ce groupe est devenu du n’importe quoi, au lieu de parler des problèmes du pays vous publiez des conneries comme ça (là tu vois 5 « like »).
Ça commence à s’emballer, je vous jure… Yvette sort du bois et suggère : « Ma sœur, bois d’abord deux gorgées « d’agene » (un de ces breuvages bizarres qu’affectionne une caste de personnes), tu auras l’inspiration pour préparer ». Rozine, elle, ne va pas très loin et lâche : »Je suis là pour lire seulement les commentaires ». De son côté Alicia s’en moque ouvertement : « Ma sœur, si tu n’as rien à dire, faut dire la pluie va pleuvoir, ou va photographier les photos et même déshabiller les habits, c’est même mieux ! »
Ceci dit, Marie, visiblement interloquée, se montre un tantinet pédagogue : »Donc c’est nous qui allons refaire ton éducation ? Va dire à ta maman de t’apprendre à préparer ». Les garçons s’en mêlent de plus belle. Serge semble s’en étonner : « En 2020, y’a encore des filles qui ne savent pas préparer le riz hein ? Moi qui pensais qu’elles étaient restées en 2019 ».
Tout à fait à côté de la plaque, Maître Marabout, qui a toujours plus d’un tour dans son sac, semble tomber comme un cheveu dans la soupe. Il ne rate pas une occasion pour venir proposer ses services. « Bonjour, dit-il tout de go. Moi je suis un grand Marabout, je viens pour te présenter les bienfaits de la magie. Je vous donne la possibilité de devenir riche très rapidement ». Pas grand monde ne prête attention à ses élucubrations qui cachent mal son désir de pigeonner quelques incrédules qui pullulent dans l’espace. À très bientôt donc !
Bona MASANU