Notre gérant de notre nganda-bar de notre quartier d’en-bas se convertit à la vocation citoyenne 100 %. Il se proclame lui-même « enrôleur « . Et d’ajouter, en bon Kinois magicien des adjectifs: « enrôleur comme cajoleur.
Comme enjoleur. Comme enjoliveur « . Pour le gérant, reprenant sans citer l,auteur, mon patron de ministre d’Etat, « l’opération de l’enrôlement est une expérience et un thermomètre hautement politiques.
C’est peut-être pour cela, mine de rien, que notre gérant a anticipé la campagne électorale. Le gérant a même réussi à faire installer un bureau d’enrôlement dans le nganda-bar, coiffant au poteau, pour ainsi dire, le voisin Pasteur et son site religieux et concurrent.
Dimanche 22 janvier . Effigies immenses aux carrefours « stratégiques » du quartier, y compris sur les portails des écoles et des églises-de-réveil. Et tapage orchestré par la fanfare du quartier, et un groupe folklorique, « cocktail » artistique de la diversité kinoise. Le gérant pavoise et parade dans le quartier, avec un mégaphone qui crie et chante ses propres louanges plus que celles des opérations d,enrôlement.
… Justement nous voici en plein dans l’enrôlement. Or, dès le début, couac au bureau numéro 1: des ambianceurs candidats électeurs en état d’ébriété, parce qu’ayant consommé la nuit blanche et la bière brune dans le nganda-bar. Ces excès antipatriotiques ont contraint le gérant à voler au secours du président commis au bureau 1, pour mettre ces inciviques dehors.
Bureau numéro 2. Une maman accompagne sa fille de 16 ans, et donc « primi-électrice » (selon le jargon des enrôleurs), et donc sans pièce d’identité sauf une vieille carte d’élève. Le président du bureau 2, fonctionnaire zélé, réclame de la maman des pièces à conviction ou des témoignages vivants sur l’état-civil de l’enfant. Pauvre maman, pauvre veuve de son état ! La voilà, sur-le-champ, en train de téléphoner au curé qui naguère avait baptisé l’ enfant ; curé absent à l’appel. Puis la maman tente de joindre une ancienne collègue de l’élève ; collègue absente. Enfin appel au secours au docteur gynécologue présent au moment de l’accouchement du bébé ; docteur mort depuis longtemps. La maman, à bout de patience, a explosé, menaçant même de se dénuder en public en signe de malédiction non seulement contre le président du bureau 2, mais surtout contre les élections elles-mêmes. Pris de panique, le président du bureau 2 a battu en retraite, et a accepté la vieille carte d’élève.
Bureau numéro 3, celui qui accueille notre gérant enthousiaste et guilleret. Une fois les formulaires remplis concernant le regroupement d’origine du candidat électeur, mais aussi son secteur, son territoire, son district ; mais aussi « la filiation lignagière à la 3e génération ascendante » (selon le jargon du président du bureau 3, notre gérant passe à la phase de la capture photographique.
Résultat insolite de la photo sur la carte d’électeur: le portrait du gérant ressemblait en tous traits à celui de son grand-père « 3e génération de la filiation lignagière ascendante « …
(YOKA LYE)
22.01.2023)